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serait gardé d’avoir le moindre rapport avec tout ce qui est italien. On vit à l’écart comme si l’on était une protestation vivante contre l’usurpation ! Sans le vouloir, on subit l’influence du monde où l’on se renferme ; on est un peu clérical et papiste là où il faudrait être simplement politique et Français, et les affaires comme celles de l’Orénoque, des obsèques du colonel de La Haye, naissent toutes seules.

C’est là évidemment ce qui doit disparaître ; qu’on ait deux ambassades à Rome, si on le veut, si on le croit nécessaire ; dans tous les cas, ces deux ambassades doivent toujours marcher d’accord parce qu’elles ne représentent qu’une seule politique, qui est celle de la France. On ne demande pas mieux peut-être, mais il faut ménager la droite dont on a besoin ; on est exposé à des interpellations comme celles de M. Du Temple. On peut en être sûr, dans la situation où nous sommes un ministre des affaires étrangères ne prendra de l’autorité que lorsqu’il osera décliner au besoin une interpellation, affirmer l’intérêt public et poser résolument les questions. En définitive, que veut-on ? S’il est à Versailles des esprits qui, oubliant nos provinces perdues, ne songent qu’aux provinces perdues par le pape, il faut les laisser à leurs rêves de restauration pontificale. S’il ne s’agit que de respecter, de faire respecter la liberté, l’indépendance spirituelle du souverain pontife, sans avoir l’air de mettre perpétuellement en doute l’existence d’une nation, rien de plus simple, on n’aura que des amis et des alliés au-delà des Alpes, dans le palais du roi, comme dans le cabinet du ministre, comme dans le parlement. Tout devient facile avec l’Italie, qui n’a aucune envie ni de voir le pape quitter Rome, ni de susciter des conflits religieux, ni d’imposer au monde catholique une autorité pontificale captive, ni de vivre mal avec la France pour des questions où elle a les mêmes intérêts et les mêmes sentimens.

L’Espagne compte donc une révolution, un coup d’état militaire de plus dans son histoire. C’est le 2 janvier que l’assemblée espagnole devait se réunir et s’est réunie en effet à Madrid après un interrègne parlementaire de quatre mois ; c’est dans la nuit du 2 au 3 que tout s’est accompli sans effort, sans lutte, presque sans bruit, ou du moins sans que la ville ait paru un instant agitée. Un vote des cortès a emporté le gouvernement de M. Castelar, un petit billet de congé du capitaine-général accouru aussitôt avec ses canons autour du palais législatif a emporté les cortès, dont on n’a plus entendu parler depuis. Tout s’est passé en quelques heures. Ce qui existait la veille s’est évanoui au premier souffle pour faire place à un gouvernement nouveau dont le général Serrano reste le chef. C’est comme une revanche de cette journée du mois d’avril dernier où le général Serrano, avec quelques bataillons de l’ancienne milice de Madrid, avait déjà tenté de s’emparer du pouvoir et avait été réduit, après avoir échoué, à se sauver sous un déguisement. Au mois d’avril, l’affaire n’était pas encore mûre ; cette fois elle