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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/529

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l’œil ; mais, toutes les fois qu’il est question de la fortune publique, on ne saurait s’entourer de trop de garanties. Celle que l’administration de l’octroi a imaginée pour déjouer toute tentative de fraude de la part de ses employés est vraiment ingénieuse. Chaque matin, 12 facteurs font le tour de toutes les barrières et de tous les postes. Ils ouvrent la boîte de fer où nous avons vu jeter le bulletin de déclaration, boîte dont eux seuls ont la clé ; ils doivent réunir et attacher d’une corde les papiers qu’ils y trouvent et les renfermer immédiatement dans le sac dont ils sont porteurs. La clé de ce sac est entre les mains du brigadier chef de poste, de plus la boîte est fixée à l’extérieur du bureau, par conséquent sur la voie publique ; le transbordement des bulletins se fait donc sous les yeux mêmes des employés du pavé et exige le concours de deux hommes dont chacun est chargé d’une responsabilité spéciale. Les sacs fermés sont transportés au siége de l’administration. Chaque jour, le contrôle envoie à la direction une feuille de service relatant les opérations faites la veille : c’est le compte-matière ; chaque jour aussi la recette expédie le détail des sommes qu’elle a perçues : c’est le compte-finances. Tout article, faut-il le dire ? est muni d’un numéro d’ordre, qu’il soit au petit comptant ou au grand comptant[1]. Il suffit donc de comparer les états du contrôle, ceux de la recette et les bulletins, pour s’assurer que les opérations ont été irréprochables.

Lorsque la marchandise n’est pas destinée à Paris, qu’elle ne fait que traverser, — si, je suppose, elle vient de Vincennes pour être transportée à Saint-Cloud, — le conducteur de la voiture fait sa déclaration à la barrière du Trône, acquitte la taxe et part avec un bulletin spécial qu’on appelle un « permis de sortie ; » arrivé à la porte d’Auteuil, il fait vérifier son chargement et rentre dans les droits qu’il a payés, s’ils ne sont pas trop élevés ; si au contraire ceux-ci dépassent une certaine somme, 50 fr. par exemple, il sera obligé d’aller les reprendre à la recette de la barrière du Trône, où il les a déposés. Ce genre d’opérations est très fréquent et entre pour près d’un tiers dans le total des actes de l’octroi. Malgré la rigidité des prescriptions fiscales, il y a une tolérance qui est fort utile aux pauvres gens et ne fait pas grand mal à nos finances. Il est d’usage qu’on permette aux particuliers d’entrer en franchise des denrées qui peuvent être considérées comme objets de consommation personnelle, à la condition néanmoins que ce soit dans des proportions très restreintes ; l’alcool seul ne profite point de ce bénéfice courtois. On ne tient pas note de ces entrées tolérées ; cependant on a voulu se rendre compte

  1. On appelle le petit comptant les recettes qui, ne dépassant pas 1 franc, n’érigent pas l’emploi du timbre d’acquit.