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demeurent intactes. Or elles s’accordent et désignent également Hissarlik comme le site de l’antique Ilion. C’est donc là qu’est le nœud du problème. M. Schliemann répondra seul, car lui seul a fouillé cette hauteur.

Ce savant, dont la fortune égale le zèle pour la science, a commencé ses excavations au mois d’avril 1870 et les a finies l’été dernier. Elles ont duré trois ans, n’étant interrompues que par la saison des fièvres. Le nombre des ouvriers occupés à fouiller la terre sous ses ordres a souvent atteint le chiffre de cent cinquante. La somme d’argent qu’il a dépensée en Troade approche de deux cent mille francs. On voit déjà de quelle importance ont dû être les fouilles d’Hissarlik. À la surface du sol, sur une grande étendue de terrain, on reconnaît des débris de la période gréco-romaine, pendant laquelle la colonie hellénique a constamment porté le nom d’Ilion. Le terrain occupé par la ville est entouré d’un mur de fortification avec tours et courtines. M. Schliemann l’a déblayé sur plusieurs points de manière à pouvoir en faire lever le plan. De plus il a fait creuser vingt larges puits atteignant le rocher, et il a constaté par ce moyen que le remblai, dont la profondeur atteint parfois cinq mètres, appartient exclusivement à la colonie grecque. Tout cet espace est rempli de fragmens de statues. Les objets de terre cuite mis au jour par le creusement des puits montrent à la surface du sol une époque romaine assez avancée, et prennent à mesure que l’on s’enfonce dans la terre un aspect de plus en plus ancien ; quelques-uns de ces objets, vases ou statuettes, sont d’une parfaite élégance ; d’autres ont un air archaïque très marqué ; aucun ne dépasse le vi- siècle ou tout au plus le viie siècle avant Jésus-Christ. Si l’on voulait fixer d’une manière plus positive les deux dates extrêmes de cette cité, les monnaies indiqueraient qu’elle a été détruite sous Constance II, empereur romain, et, Strabon nous apprenant qu’elle avait été bâtie sous la domination lydienne, on peut reporter sa fondation vers l’année 700 avant Jésus-Christ. Elle a donc duré sans interruption plus de mille ans, et cependant la profondeur moyenne des débris qu’elle a laissés ne dépasse pas deux mètres. On trouve quelques objets de fer près de la surface ; plus bas, les instrumens de métal sont tous en bronze. Il est certain cependant que le fer était en usage longtemps avant la domination des rois de Lydie ; mais le fer en s’oxydant ne met pas beaucoup de siècles à disparaître : il en est de même de l’étain ; le bronze et le plomb sont plus durables.

Le chemin qui mène de Koum-Kalé à Chiblak traverse de l’ouest à l’est la ville gréco-romaine d’Ilion. Quand on a franchi du côté de l’ouest le mur de cette ville, on trouve immédiatement à main gauche la petite acropole qui porta proprement le nom d’Hissarlik ; elle do-