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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/676

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jeter la face contre terre pour quelques insuccès au commencement d’une si grande entreprise. Quelle paix pourrait-on obtenir en ce moment qui ne dût être déplorable ? On aurait une courte trêve pour tomber ensuite dans un tel abîme qu’en face de ces prochaines misères celles de la guerre présente deviendraient bientôt regrettables. » Machiavel, chargé de missions auprès de lui pour sauvegarder les intérêts et diriger la coopération de Florence, témoigne dans chaque rapport de son zèle infatigable : « il rétablit tout, dit-il, et remédie à tout ; il impose seul aux condottieri, seul il obtient de l’argent ; trop heureuse l’Italie, si cet homme pouvait tout ce qu’il veut ! » — Le bruit de l’invasion étouffait déjà ses exhortations suppliantes. L’armée des lansquenets, après avoir opéré sa jonction avec les troupes espagnoles du connétable, s’avançait en faisant la terreur sur son passage. La correspondance de Guichardin suit pas à pas le fléau qu’il voudrait encore détourner ; il écrit lettres sur lettres aux gouverneurs des villes, aux chefs militaires, en même temps qu’aux divers négociateurs. Il presse les envois d’argent, les mouvemens militaires, les moyens de résistance ; il envoie de toutes parts les avis qu’il a reçus, les indices qu’il a recueillis : les lansquenets sont arrivés tel jour en tel lieu ; on croit qu’ils vont prendre telle direction ; telle ville est menacée. Florence est-elle le but où ils aspirent, ou bien serait-ce Rome qu’ils convoiteraient de piller ?

Ils allaient, comme on sait, à Rome. Nous n’avons pas à raconter les grands événemens qu’amena la fin de cette guerre ; ils appartiennent à l’histoire générale, et Guichardin lui-même les a exposés dans son Histoire d’Italie ; mais il convient d’ajouter à son récit tout impersonnel le souvenir du grand rôle qu’il a joué. Le connétable de Bourbon était arrivé le 5 mai 1527 devant la ville ; le 6, il est tué, pendant que son armée entre sans résistance, et que commence ce terrible sac de Rome dont l’horreur retentit dans toute la chrétienté. C’est pour Guichardin l’occasion d’un redoublement de zèle. Il insiste de nouveau auprès des Italiens et des Français pour qu’on vienne délivrer le pape, prisonnier dans le château Saint-Ange. « Ses prières doivent, dit-il (18 mai), émouvoir les pierres mêmes ; des Turcs seuls pourraient y être insensibles. Il ne s’agit pas uniquement du pape, il s’agit de la papauté. Que Dieu ne lui soit plus jamais en aide, s’il n’est pas vrai qu’il aimerait mieux être mort que voir un tel malheur !.. (28 mai.) Pourquoi, à la première nouvelle du sac de Rome, les armées alliées n’ont-elles pas marché avec toute la célérité possible au secours de la forteresse ? Non-seulement elles eussent délivré le pape et les cardinaux ; mais peut-être eussent-elles accablé l’ennemi, enivré de pillage et de débauche. Pendant dix jours les Allemands n’ont fait aucune tranchée, placé aucunes gardes, observé aucune discipline. Ne pouvait-on les sur-