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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/80

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conde couche, celle de l’incendie : ils portent chacun une suite de signes qui ont tout l’apparence d’une écriture. L’une de ces deux inscriptions est très mutilée ; l’autre est complète. J’ai cherché à la lire au moyen de tous les alphabets que j’ai eus à ma disposition, mes recherches ont été vaines ; tout à coup, en y appliquant les signes élémentaires de l’écriture chinoise, je l’ai lue avec la plus grande facilité, non en chinois, langue que j’ignore entièrement, mais en français. Cependant il est bien certain que nous sommes ici au milieu d’une population âryenne. Tout son symbolisme est âryen ; elle a pour principale divinité Minerve, son industrie n’est ni égyptienne, ni phénicienne, ni touranienne, encore moins chinoise ; elle est locale, et, si l’on me permet cette expression, elle est proto-hellénique. J’ajoute que vraisemblablement cette population parlait un grec primitif, car c’est à cette condition seulement que le nom de Glavkôpis appliqué à Minerve a pu passer de sa signification primitive à celle qu’il a dans les couches profondes d’Hissarlik et engendrer une déesse à tête de chouette. Les têtes humaines rapportées par M. Schliemann et retirées des couches inférieures ont des caractères âryens, le crâne dolichocéphale, l’angle facial droit, les pommettes non saillantes, le visage nullement triangulaire, la mâchoire inférieure mince avec l’apophyse interne bien marquée et les dents molaires diminuant de grosseur vers le fond, y compris la dent de sagesse. Tous ces faits s’accordent avec ce que nous savions déjà : si des Araméens ont occupé le sud de l’Asie-Mineure et des Touraniens la région nord-est, l’ouest et notamment la Dardanie étaient très anciennement habités par des Aryens, frères des Grecs.

Je viens de parcourir en bien peu de pages une bien longue carrière ; j’ai pu le faire grâce à la permission que m’a donnée M. Schliemann de manier pendant de longues heures les vingt mille pièces de son musée, grâce aussi à la complaisance avec laquelle il m’a donné les renseignemens dont j’avais besoin. On nous demandera maintenant : est-ce Troie, est-ce l’Ilion d’Homère ? Je réponds que, si Troie a existé, c’est ici l’Ilion d’Homère. On voit clairement combien sont vains les raisonnemens de ceux qui le placent ailleurs. Ailleurs il n’y a rien ou presque rien. Ici existent encore les murailles de la ville que toute l’antiquité a nommée Ilion, et qui fut fondée par les Grecs au viie siècle sur le lieu qu’ils regardaient comme le site de Troie. Cette colonie a laissé après elle 2 mètres de débris. Au-dessous, il y a encore 14 mètres de décombres à creuser pour atteindre le roc primitif. Ces 14 mètres montrent quatre couches superposées ayant appartenu à quatre époques différentes