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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/839

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parure qu’une personne d’âge mûr ; en outre le gothique est tellement uni dans notre esprit à l’idée d’ornement, que nous ne concevons pas l’un sans l’autre. Or cet édifice est petit, puisque c’est une chapelle, cette chapelle est gothique, et c’est la nudité même. Il faut voir ce joli édifice pour comprendre comment la ligne seule, toute dépouillée, toute géométrique et abstraite, peut produire une impression non plus de gravité, de noblesse et de haute élégance, ce qui n’aurait rien que de naturel, non pas même de pureté, ce qui se comprendrait encore, mais de gentillesse et de toute mignonne grâce. Nous notons cette particularité curieuse sans chercher à en préciser la cause.

À l’intérieur, le château de Busset a été reconstruit selon les convenances de la vie présente, au moins dans sa partie habitée, en sorte qu’il n’offre guère que des appartemens modernes avec des « détails anciens, quelques très jolies et très originales cheminées du XVIe siècle par exemple. La partie qui nous en a le plus intéressé est une toute charmante galerie de proportions exquises qui conduit aux divers appartemens ; c’est à cette galerie seulement que nous nous arrêterons. La décoration en est cependant bien simple : sur les murailles quelques tableaux et quelques dessins de valeur inégale, au-dessus d’une porte un petit bas-relief représentant saint Louis sous un palmier d’Égypte, dans une attitude d’enthousiasme religieux, et au fond de la galerie un buste du dernier comte de Busset, l’un et l’autre sculptés par un des comtes actuels qui semble avoir pour la sculpture un goût qui confine au talent, au plafond sur les deux côtés de la galerie les armes et les noms des familles avec lesquelles la maison de Bourbon-Busset a contracté alliance. C’est bien peu, comme vous le voyez ; oui, mais les noms de ces alliances, rapprochées du buste du dernier comte de Bourbon-Busset, m’ont permis de faire une observation singulière. Je lis l’un après l’autre les noms de ces alliances, ce qui n’est pas une longue tâche, car depuis l’origine de cette maison jusqu’à nos jours, c’est-à-dire dans un laps de quatre cents ans, il ne s’est succédé que douze comtes de Busset. Or tous les noms de ces alliances appartiennent exclusivement à la haute noblesse, d’Alègre, Borgia, Larochefoucauld, Clermont-Tonnerre, Lafayette, Montmorillon, Gontaut-Biron ; il n’y a pas une seule alliance prise dans la grande maison si fertile en rameaux dont ils sont issus, pas la moindre princesse de Vendôme, pas la plus petite princesse de Condé ou de Conti. Dès le principe, cette famille est donc allée se retirant toujours par le mariage de son origine, et par conséquent il semblerait que le type physiologique eût dû être dès longtemps interrompu par cette longue succession de sangs féminins étrangers. Eh bien ! avec quel prince croyez-vous que