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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/869

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mettaient à faire respecter la déclaration par laquelle ils avaient circonscrit les limites où devaient désormais se renfermer les hostilités. Bientôt après on apprenait à Alexandrie l’invasion de Chio, En fallait-il davantage pour justifier l’obstination du grand-seigneur et sa persistance à repousser les remontrances pacifiques de Méhémet-Ali ? Néanmoins, si, en exécution du traité de Londres, les trois puissances se trouvaient dans la nécessité d’entreprendre quelque expédition pour occuper militairement la Morée, si elles déclaraient formellement borner là leurs prétentions, le vice-roi se montrait assez disposé à s’entendre avec les amiraux sur les moyens de faire évacuer cette péninsule par ses troupes. Il demandait seulement que l’opération eût lieu avec les ménagemens que l’honneur de son armée et la réputation militaire de son fils lui semblaient exiger. Ce double but ne lui paraîtrait pas atteint, si l’expédition européenne, destinée à agir contre Ibrahim, était inférieure à 12 000 ou 15 000 hommes. Pour l’encourager à de nouveaux sacrifices, le divan lui faisait offrir le pachalik de Damas, objet de tous ses vœux ; il ne céderait point à cet appât, il prendrait l’engagement de rappeler son fils ; mais il fallait du moins qu’il pût compter sur le patronage officieux des trois puissances, dans le cas où sa déférence à leurs désirs attirerait sur lui le courroux de son souverain et de la nation musulmane.

Le 18 janvier 1828, un courrier était parti pour Constantinople avec des dépêches de Méhémet-Ali adressées au grand-vizir. On attendait la réponse du sultan lorsque le colonel Cradoch reparut tout à coup en Égypte sur la frégate la Galatée, suivie d’un brick russe. Ces deux navires venaient de la Morée. Ils entrèrent dans le port d’Alexandrie le 9 février, en même temps qu’une corvette expédiée par Ibrahim. Le prince mandait à son père que le général Adams, gouverneur des îles ioniennes, le pressait vivement d’évacuer la Morée, le menaçant, en cas de refus, d’un débarquement de troupes françaises et anglaises prises dans les garnisons que les deux gouvernemens entretenaient alors en Espagne et en Portugal ; s’il obtempérait au contraire à la sommation qui lui était faite, les puissances intervenantes ne seraient peut-être pas éloignées de reconnaître, pour prix de cette obéissance, la souveraineté indépendante de Méhémet-Ali. Ibrahim avait répondu qu’en sa qualité de soldat il n’avait qu’une chose à faire : se tenir prêt à tout événement. Les combinaisons politiques n’étaient pas de son ressort ; il en référerait à son père. Le colonel Cradoch fut moins explicite que le général Adams. Il ne prononça plus le mot d’indépendance ; il ne parla que d’une simple neutralisation, comme si Méhémet-Ali pouvait, dans une guerre engagée contre la Porte, se déclarer neutre sans se proclamer par ce seul acte indépendant. Le vice-roi se garda bien de tom-