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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/874

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céder à l’évacuation. C’était là une des parties essentielles du plan si heureusement conçu par M. Drovetti. Quelques bâtimens anglais et français partiraient d’Égypte en même temps que les navires du vice-roi, afin d’assurer le passage de la flotte et d’éviter qu’elle ne cédât à la tentation de se détourner de sa route. « Je dois vous avertir, mon cher consul-général, écrivait l’amiral de Rigny à M. Drovetti, qu’il vous faudra paraître agir en commun avec les Anglais. Le rappel de Codrington et sa conduite toujours loyale envers moi me font désirer que cette affaire importante se termine avant l’arrivée de son successeur. Tout le monde saura bien, les Anglais les premiers, que la transaction vous est due. » La question fut réglée dans la matinée du 6 août, et la première division de la flotte du pacha se tint prête à partir sous l’escorte de deux bâtimens français, la frégate la Circé et le brick l’Alacrity.

Le vice-roi se soumettait à temps ; s’il eût attendu quelques jours encore, l’armée d’Ibrahim était perdue. Le 16 août en effet, le général Maison se rendait à bord du vaisseau la Ville de Marseille, et près de soixante navires appareillaient à la fois de la rade de Toulon au signal du commandant Cuvillier. Ce convoi emportait 10 000 hommes d’infanterie, un régiment de cavalerie et 200 chevaux d’artillerie. La flotte passa au sud de la Sardaigne ; le 28 août, à midi, elle découvrait les hautes terres du Péloponèse. Le lendemain, l’amiral de Rigny, monté sur le Conquérant, sortait de Navarin pour se porter à la rencontre de la Ville de Marseille. Un vaisseau anglais et deux vaisseaux russes suivaient de près l’amiral français. Il y avait urgente nécessité de s’entendre. Le général Maison arrivait plein d’ardeur. « Je désire savoir, écrivait-il dès le 24 août à l’amiral, où en sont vos négociations avec Ibrahim, car j’ai l’ordre formel de l’attaquer au cas où il ne voudrait pas évacuer le pays. Je compte lui envoyer un parlementaire en passant devant les îles Sapience, et commencer immédiatement mes opérations contre son armée, s’il refuse de s’en aller. »

L’amiral de Rigny allait se trouver dans la position la plus délicate. Il se sentait garant vis-à-vis d’Ibrahim, vis-à-vis de ses deux collègues, de l’exécution non-seulement stricte, mais courtoise, de la convention d’Alexandrie. Comment faire comprendre cependant à une armée frémissante la nécessité de laisser Ibrahim se retirer avec dignité et sans une précipitation trop apparente ? Après une courte conférence entre l’amiral de Rigny et le général Maison, le convoi, le 29 août, avait continué sa route. Il dépassait successivement Navarin, Modon, les îles Sapience, et, doublant le cap Gallo, entrait dans le golfe de Coron. Ce fut là que s’opéra le débarquement entre les villages de Nisi et de Calamata, non loin de