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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/878

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dans le Levant compter avec nous. L’Angleterre et la Russie avaient un égal intérêt à nous ménager, car nous pouvions, suivant le parti qu’il nous conviendrait de prendre, faire pencher d’un côté ou de l’autre la balance. Varna était tombée après deux mois de siége, l’armée russe prenait ses quartiers d’hiver, et l’amiral Heïden, qui avait été se ravitailler à Malte, venait de recevoir l’ordre de mettre les Dardanelles en état de blocus. « J’attends avec anxiété le retour de notre collègue, écrivait sir Pulteney Malcolm à l’amiral de Rigny. S’il entreprend le blocus des Dardanelles, cela changera nos situations respectives. Le bruit d’un pareil événement a déjà causé une sensation considérable en Angleterre et en France. » Cette émotion, à laquelle la Russie avait dû s’attendre, ne l’arrêta pas. On savait à Saint-Pétersbourg que les instances du prince de Polignac pour obtenir du roi Charles X qu’il s’entendît avec l’Angleterre et l’Autriche à l’effet de rétablir la paix entre le sultan et le tsar avaient eu peu de succès. Le roi voulait rester l’allié de la Russie. Pendant que deux vaisseaux et deux frégates russes détachés de l’escadre du comte Heïden, sous le commandement du contre-amiral Ricord, surveillaient, du mouillage de Ténédos, l’entrée des Dardanelles, le contre-amiral de Rosamel partait de Toulon avec le vaisseau le Trident, sur lequel était arboré son pavillon, pour venir se ranger sous les ordres du vice-amiral de Rigny. L’escadre anglaise recevait à son tour des renforts ; on s’observait déjà, et, bien qu’ils poursuivissent encore de concert l’évacuation complète de la Morée, les deux amiraux alliés, qui se trouvaient en ce moment réunis à Navarin, n’auraient point osé se promettre que la campagne de 1829 ne les obligerait pas à tourner contre des vaisseaux chrétiens ces longues files de canons qui n’avaient dû tonner que contre les Turcs.

IV.

La brigade du général Schneider, annoncée par la frégate l’Armide, arriva fort à propos pour combler les vides que produisaient journellement dans notre armée les fièvres intermittentes. On la fit débarquer dans le golfe de Patras. Sommées de se rendre aussitôt après le départ d’Ibrahim, les forteresses de Navarin, de Modon, de Coron, avaient ouvert leurs portes aux généraux Higonnet et Sébastiani. Patras suivit cet exemple. La garnison du château de Morée fut la seule qui se montra disposée à faire résistance. Fortifiée à diverses reprises par les Vénitiens, la place exigeait, pour être attaquée, des approches régulières. Le général Schneider se mit en devoir de l’investir ; le général en chef se prépara de son côté à mar-