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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/471

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Et d’abord ne sera-t-il pas nuisible au pays de supprimer une mer intérieure? les villes qui la bordent ne souffriront-elles pas de perdre leur port et leur rivage? la facilité des transactions et des échanges ne disparaîtra-t-elle pas devant ce réseau d’écluses? Avant de répondre, sachons bien ce qu’est aujourd’hui la navigation du Zuiderzée. Cette grande nappe d’eau n’est point de celles où le navigateur peut s’abandonner tranquillement aux vents sans crainte de récifs ni d’abordages. Ce ne sont en tout sens que longs bancs de sable, au milieu desquels une fausse manœuvre, une erreur, un coup de vent, peuvent perdre le navire et l’équipage : du reste les grandes carcasses à moitié démolies qu’on rencontre sans cesse le long de la route prouvent assez les dangers de ces parages. Ajoutons encore qu’à l’entrée du golfe de l’Y se trouve la barre très dangereuse du Pampus; lorsqu’un gros bâtiment veut passer par là, il doit se faire alléger à l’aide de bateaux auxiliaires appelés chameaux, et c’est pour obvier à tous ces inconvéniens qu’on a dû, de 1819 à 1825, créer le canal de Nord-Hollande, puis dans ces dernières années le canal de Nord-Zée, parce que les écluses du précédent étaient encore trop étroites.

Ainsi toute la grande navigation a définitivement abandonné le Zuiderzée. Quant à la petite navigation, elle dépérit depuis longtemps. On ne trouverait peut-être pas sur le littoral un seul pilote qui connaisse tous les parages de cette petite mer, et cela tient d’abord à la nécessité d’un permis coûteux, qui assigne aux capitaines une route déterminée pour chaque voyage, mais surtout aux difficultés et aux périls de ces eaux : personne ne se soucie d’exposer sa personne et son navire pour un médiocre bénéfice. Il est donc permis de dire sans trop d’exagération que le Zuiderzée n’a plus d’importance maritime; les villes de cette côte, jadis si florissantes, semblent maintenant s’endormir d’un sommeil léthargique, et on a pu récemment écrire sur elles un livre qui porte pour titre : les Villes mortes du Zuiderzée.

Or, ces villes fussent-elles au contraire dans une crise d’activité industrielle et commerciale, le dessèchement du Zuiderzée serait encore utile pour elles, car il leur procurerait l’avantage de communiquer avec la mer par de larges canaux très sûrs, d’avoir de bons ports à l’abri des vents, de réunir les commodités de la terre ferme aux profits d’une situation maritime. Le projet n’assure-t-il pas à chacune, par les grands canaux, une voie directe vers l’océan? Hoorn, Schardam, Edam, Monnikendam, Amsterdam, Muiden, Saardam, Huizen, Harderwijk, continueront à être ports de commerce comme aujourd’hui, et les négocians n’ont pas moins raison d’applaudir à l’entreprise que les cultivateurs et les fermiers.