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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/637

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condition des enfans naturels est aujourd’hui réglée d’une manière conforme à l’utilité générale et à la justice ? L’article 203 du code civil porte que les époux contractent ensemble l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfans, et de l’aveu de l’adversaire le plus intraitable de la recherche de la paternité, M. Zachariæ lui-même, cette obligation s’applique aussi bien à l’enfant naturel qu’à l’enfant légitime. Quand le père s’y dérobe, c’est au détriment de la mère, sur laquelle retombe tout le fardeau de cette obligation, dont elle est presque toujours incapable de s’acquitter seule ; c’est au détriment de l’enfant, qui, à défaut du père qui se soustrait à ce fardeau et de la mère qui y succombe, se trouve jeté dans les bras administratifs de la charité publique ; c’est enfin au détriment de la société, qui supporte en dernière analyse le dommage de cette banqueroute de la paternité, et qui est par conséquent intéressée, n’en déplaise à Napoléon jurisconsulte, à ce que « les bâtards soient reconnus. » Il est donc strictement équitable de contraindre ce père lâchement défaillant à s’acquitter d’une obligation qu’il a librement contractée, et qu’il n’a aucun droit de rejeter sur autrui, Toute la question se réduit à savoir s’il est possible de l’y obliger. Les procédés auxquels l’ancien régime avait recours pour atteindre ce but étaient primitifs et barbares, et nous concevons volontiers qu’on ne veuille point revenir aux pratiques que dénonçait avec des accens si pathétiques l’avocat-général Servan ; mais l’exemple de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Allemagne, de la Suisse, n’atteste-t-il pas qu’il y en a d’autres ? On peut du moins les mettre à l’étude, et puisque nous vivons dans le siècle des enquêtes, pourquoi n’en ouvrirait-on pas une sur la recherche de la paternité ?


G. DE MOLINARI.