Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

desideratum, il en perçât les obscurités. Je pense qu’il ne sera pas sans intérêt de retracer cette histoire. Un genre particulier d’attrait qu’elle présente, c’est de nous laisser voir sur un terrain parfaitement circonscrit, et comme à travers un cadre qui ne change pas, les ambitions, les illusions, les efforts infructueux et toujours renouvelés de plusieurs générations d’érudits. Cette persévérance, ce désir de savoir que rien ne peut lasser, sont après tout des titres d’honneur, et si, malgré les faux pas, un lent, mais constant progrès se laisse apercevoir, si le succès vient enfin couronner l’œuvre, nous suivons d’un esprit satisfait ce long voyage de découverte.


I.

Dans les anciens états de l’église, sur le versant oriental des Apennins, à dix lieues d’Urbin, s’élève au flanc du Monte-Calvo la petite ville de Gubbio, l’une des plus vieilles et des plus intéressantes de la province d’Ombrie. Ce fut pendant le moyen âge une république indépendante, gouvernée par des consuls, des capitaines du peuple, des gonfaloniers de justice : le beau palais municipal construit dans la première moitié du XIVe siècle témoigne encore de la dignité du passé. Les institutions républicaines de Gubbio ou, comme la cité s’appelait alors en latin, d’Eugubium, étaient si célèbres qu’elles servirent de modèle à plusieurs autres états ; mais c’est surtout dans l’antiquité, au temps de la Rome républicaine, que ce coin des Apennins a été illustre. La ville ombrienne d’Iguvium paraît avoir eu dès les temps les plus reculés une importance qui ne fit que s’accroître lorsque cette région, qui avait été successivement soumise aux Étrusques et aux Gaulois, passa, après une lutte où le manque d’accord devait amener la défaite, sous la domination romaine (l’an 307 de Rome, d’après Tite-Live). Il y eut encore après cette date plusieurs soulèvemens de l’Ombrie ; mais les Iguviens semblent avoir fait cause commune avec les vainqueurs. Au moins ne trouvons-nous pas leur nom parmi les peuples que les Romains eurent à ramener à l’obéissance. Des souvenirs de toute sorte annoncent la splendeur qu’Iguvium acquit dans les derniers temps de la république romaine : cette prospérité s’explique sans doute par les mines de cuivre et d’argent qui se trouvaient dans les environs, ainsi que par le voisinage de la voie Flaminienne, qui, reliant la mer Tyrrhénienne à la mer Adriatique, coupe en cet endroit les Apennins. On a trouvé sur l’emplacement de l’ancien Iguvium les restes d’un théâtre colossal antérieur à Auguste, les ruines de divers temples ayant appartenu à Diane, à Vesta, à Janus, à Apollon, à Pallas, un