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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/714

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confinée, l’oiseau meurt plus vite que le mammifère, et le mammifère plus vite que le reptile.

M. Bert a varié l’expérience, et au lieu d’une atmosphère d’air a fait respirer des animaux dans 2, 3, 4 et 5 atmosphères ; toujours l’animal mourait quand il avait absorbé la quantité d’oxygène qui lui était nécessaire, en sorte que dans une cloche à 2 atmosphères l’animal mettait deux fois plus de temps à s’asphyxier que dans une cloche à une seule atmosphère. Ainsi, quelles que soient les variations de l’expérience, toujours on constate ce fait, que l’oxygène mélangé à l’azote est respiré comme s’il était pur, et qu’au point de vue de la respiration, mettre un animal dans une cloche d’oxygène pur à la pression normale, ou dans une cloche avec de l’air à 5 atmosphères, c’est absolument la même chose. N’y a-t-il pas là quelque chose d’analogue à la loi physique de la solubilité des gaz, qui, mélangés en présence d’un liquide, se dissolvent dans ce liquide, comme si chacun d’eux était seul ? Notons que, pour que ces expériences soient rigoureuses et concluantes, il faut absolument que l’acide carbonique exhalé soit enlevé ; sinon la présence de ce gaz troublerait les résultats. En effet, il est démontré que l’acide carbonique est un gaz toxique, que sa présence en excès dans l’air empêche l’acide carbonique contenu dans le sang de se dégager, et que la mort surviendrait plutôt par accumulation d’acide carbonique que par insuffisance d’oxygène. Les moyens employés par M. Bert pour absorber ce gaz délétère à mesure qu’il se produit sont trop minutieux pour être rapportés ici. Il nous suffira de dire que dans tous les cas cette cause d’erreur a été rigoureusement écartée.

On se tromperait fort, si on croyait que ces données n’ont pas d’application pratique. Elles en ont une immédiate dans l’aéronautique. En effet, l’abaissement de la pression de l’air n’étant rien, la diminution d’oxygène étant tout, on peut y suppléer dans une certaine mesure en apportant dans la nacelle une provision d’oxygène. On sait que dans cette funeste ascension qui a fait périr Crocé-Spinelli et Sivel, M. Tissandier n’a échappé à la mort que par l’oxygène qu’il respirait de temps à autre. Il n’est pas besoin d’ailleurs de courir les risques d’une ascension aérostatique pour étudier les effets de la raréfaction de l’air. Au laboratoire de la Sorbonne, M. Bert a fait construire deux immenses réservoirs en rapport avec une machine pneumatique Mlle par la vapeur, et où deux personnes peuvent trouver place. Un manomètre indique l’état de la pression. Deux petites vitres permettent aux opérateurs de suivre de l’œil l’attitude du patient, et chacun peut être le patient à son tour. On observe alors sur soi-même des faits fort curieux, l’impuissance du système musculaire par exemple, et l’incapacité de tout effort intellectuel. L’œil ne distingue plus les objets, le ciel, au lieu d’être bleu, paraît noir. On entend de sourds bourdonnemens, et la voix est à peine perçue. C’est dans ces appareils, et non dans un