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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/803

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masse, et l’on a fermé autour de lui avec de moindres matériaux. »

Même principe de construction à Amrit, ville foncièrement cananéenne, « trésor des monumens phéniciens. » L’édifice appelé avec raison par les gens du pays El-Maabed, « le temple, » est le plus ancien et presque le seul sanctuaire qui subsiste de la race sémitique. Ni à Paphos, ni à Malte, ni à l’ancienne Gaulos, on ne pénètre si bien dans les habitudes du culte syro-phénicien. Au milieu d’une vaste cour carrée, évidée dans le rocher, s’élève sur un cube de pierre une sorte de tabernacle ou cella fermée de trois côtés ; une énorme dalle monolithe, en forme de toit, fait saillie sur le devant et était probablement soutenue par des colonnes de métal. Des banquettes règnent de chaque côté de la chambre ; divers trous carrés, des rainures, semblent avoir été destinés à recevoir soit la base d’une colonne en bois, soit un candélabre, soit une tringle le long de laquelle courait une courtine destinée à cacher l’intérieur du sanctuaire et les objets sacrés qui s’y trouvaient, — peut-être les stèles ou plaques de métal sur lesquelles étaient écrites les lois religieuses, les tables de la loi. « Je suppose, en tout cas, écrit M. Renan, que ces sortes de cellœ s’appelaient chez les Phéniciens, de même que chez les Hébreux, théba, « arche, » d’autant plus que ce mot paraît, ainsi que l’objet lui-même, d’origine égyptienne. » La Kaaba de La Mecque est également un édifice de forme cubique. Les parois du rocher qui sert de base au Maabed sont rongées au tiers inférieur, à la manière des pierres qui ont longtemps séjourné dans l’eau. Une source s’échappe encore de l’enceinte. On n’en saurait douter : cette cour était un vaste bassin, un lac sacré, et l’arche, le saint des saints, surgissait des eaux. Depuis Pococke, il n’est plus permis d’hésiter sur l’aspect tout égyptien de ce temple phénicien.

Non moins égyptiens sont les débris de deux autres petits temples ou naos peu éloignés l’un de l’autre que M. Renan a découverts sous des buissons épais, dans un marais de lauriers-roses situé près de la source appelée Ain-el-Hayât, « la Fontaine des serpens. » Ces deux naos, portés chacun sur un bloc cubique, posé lui-même sur une assise en retraite, s’élevaient au-dessus de l’eau ; des deux côtés de l’un et de l’autre sanctuaire, on voit encore la trace de petits escaliers extérieurs conduisant à la plate-forme. L’une des celles, tout à fait monolithe, était couronnée d’une belle frise composée d’une série d’uraeus[1] ; à la voûte étaient sculptées deux vastes paires d’ailes, faisant saillir à leur centre, l’une peut-être la tête d’un aigle, l’autre un globe entouré d’aspics et muni d’une queue

  1. Cf., p. 366-367, un très curieux petit objet, vraiment phénicien, de tous points analogue, trouvé à Saïda.