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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/879

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fin ; mais personne ne peut contester avec bonne foi les grands services rendus à l’électorat par les hôtes de Frédéric-Guillaume comme ouvriers et comme marchands, comme agriculteurs, comme savans, comme artistes et comme soldats.

Deux mille quarante-trois familles, représentant 10,215 personnes, s’adonnèrent à diverses industries. Ce ne furent point là des ouvriers ordinaires. Honnêtes et laborieux, ces hommes, qui avaient tout sacrifié au repos de leur conscience, l’étaient tous, et leur travail eut en Brandebourg un prix inappréciable, car ils étaient sinon des inventeurs, des initiateurs. On sait quels progrès avait faits en France au temps de Colbert le tissage des laines ; il avait complètement disparu en Prusse après la guerre : des réfugiés fondèrent des manufactures de laine à Magdebourg, Francfort-sur-l’Oder, Brandebourg, Kœnigsberg. L’industrie de la soie, protégée par Henri IV, Richelieu, Colbert, était chez nous en pleine prospérité : des réfugiés firent en Brandebourg les premières plantations de mûriers. D’autres apportèrent l’art de teindre et d’imprimer les étoffes. Pierre Babry construisit la première machine à fabriquer des bas qu’on eût vue dans les états de l’électeur. François Fleureton y fit réussir la première fabrique de papier. Il y avait en France, depuis le moyen âge, des maîtres-chandeliers ; dans l’électorat, au XVIIe siècle, les grandes maisons étaient encore éclairées par des flambeaux de cire, et les petites avec des lampions fumeux, où une mèche trempait dans de l’huile de poisson : des réfugiés fondèrent des fabriques de chandelles, et, comme c’était une grande nouveauté, se réservèrent le secret de la fabrication. Dans tout cela, nos compatriotes innovaient ; mais que d’industries ils ont ranimées ou développées, comme la tannerie, la maroquinerie, la ganterie de peau, la fabrication des vêtemens, des articles de mode et de toilette ! Ils firent un art de l’horlogerie, qui n’était avant eux qu’un métier. La verrerie brandebourgeoise ne fabriquait que des vitres et des bouteilles : ils coulèrent les premières glaces. Enfin la métallurgie leur dut de grands perfectionnemens : un réfugié fut directeur des forges et des fonderies électorales.

Un moins grand nombre de nos compatriotes s’adonnèrent au commerce, mais les services qu’ils rendirent furent énormes. Le commerce n’avait jamais été très florissant dans ce pays situé à l’est de l’Elbe, c’est-à-dire à l’extrémité de la zone commerciale de l’Europe, et qui avait si peu de choses à vendre ; au milieu du XVIIe siècle, il était nul. Les Français Girard, Michelet, Baudoin, Mangin, Perrault, ouvrirent les plus grandes maisons qui aient eu des relations avec l’étranger.

On ne sait point exactement le nombre de réfugiés qui s’adonnèrent à l’agriculture ; mais de nombreuses colonies agricoles