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fractions de la droite et un succès aussi décisif des candidats de la gauche. C’est là pourtant ce qui arrive. M. le duc d’Audiffret-Pasquier a eu seul le privilège de recueillir des suffrages dans tous les camps, de réunir sur son nom 550 voix, il est passé le premier au rang des inamovibles. Après lui, l’avantage s’est dessiné aussitôt en faveur des candidats présentés par la gauche. Ministres, membres de la droite ou du centre droit sont restés tout d’abord en chemin. M. Buffet n’a pas été plus heureux que son collègue M. de Meaux ; M. le duc de Broglie n’a pas eu plus de chances que M. de Larochefoucauld-Bisaccia ! les uns et les autres ont été dépassés par leurs concurrens dans les premiers scrutins, dans cette lutte poursuivie pied à pied. Ce n’est point, il est vrai, seulement par ses propres forces et exclusivement à son profit que la gauche a triomphé, elle a dû une partie de ses premiers succès à des alliances plus imprévues encore que tout le reste et dont elle est obligée de payer le prix en nommant un certain nombre de dissidens de l’extrême droite qui se sont joints à elle dans le combat. Elle ne reste pas moins maîtresse du terrain par ces engagemens qui, s’ils persistent jusqu’au bout, lui assurent à tout événement une proportion considérable dans la représentation du sénat. Comment s’expliquent ces évolutions et ces résultats qui ont assez de gravité pour devenir peut-être, au terme de la carrière de l’assemblée, le commencement d’une situation toute nouvelle ? Qu’est devenue cette majorité qui s’était ralliée le mois dernier pour voter le scrutin d’arrondissement, et qu’on se flattait sans doute de maintenir en présence des élections prochaines ? Quelles seront les conséquences de ces brusques oscillations manifestement destinées à réagir sur le ministère comme sur les partis, sur la direction de la politique intérieure de la France ? Voilà des questions qui viennent de naître ou de renaître presqu’à l’improviste et qui résument aujourd’hui nos affaires.

On ne perd pas les batailles sans avoir le plus souvent mérité de les perdre, et la droite, le centre droit, les ministres qui s’identifient avec ces groupes ne font après tout que recueillir le prix de leurs vaines tactiques, de leur obstination dans l’équivoque, de toute une politique de faux-fuyans et d’illusions. Assurément ces élections sénatoriales auraient pu mieux tourner, elles auraient dû être préparées, dirigées dans un autre esprit. Qu’y avait-il de plus simple, si on l’avait voulu ? Puisque l’assemblée, après avoir voté une constitution, s’était réservé le privilège singulier de ne pas mourir tout entière, de se survivre partiellement dans une des assemblées du régime créé le 25 février, la première condition était évidemment de faire de ces élections un grand acte de transaction. Le noyau essentiel de toutes les combinaisons devait être dans les fractions modérées unissant leurs efforts, procédant sans exclusion, s’entendant sur une liste d’équité et de conciliation. Le centre droit et le centre gauche étaient particulièrement appelés à