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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/635

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nerve, grêle et longue comme une muse d’Ossian, qui tient dans sa main le rameau d’olivier. Près de la déesse protectrice des cités, Hébé, les seins nus, caresse l’aigle. Dans l’angle de droite, une mer écumante, autant que peut écumer une mer qui a les arêtes aiguës et la lourdeur des plaques de métal, vient battre jusqu’aux pieds de Neptune et d’Amphitrite. De l’écume des vagues jaillit un grand cheval noir. De l’autre côté, une Vénus toute blanche contraste par sa blancheur et son élégance avec le gros corps rouge de Vulcain, qui montre sa puissante échine. Ce groupe assez réussi est déparé par un méchant Amour, tout maussade d’avoir un si vilain corps. Il y a au reste dans l’intérieur du galbe de la Vénus des lignes fléchissantes qui sont peut-être très vraies, mais qui sont tout à fait disgracieuses. Au fond, comme dans un brouillard d’or, s’estompent les figures de Jupiter et de Junon.

La seconde composition de M. Pils pourrait s’appeler le Dompteur de tigres ou le Triomphe de l’harmonie et de l’anachronisme. Apollon, entouré de tigres, racle une énorme contre-basse. Près du dieu se tient un groupe de nymphes ; l’une d’elles a de charmantes formes et une attitude pleine de grâce. Les premiers plans sont occupés par deux amans à qui un Amour verse à boire, et par une nouvelle troupe de tigres, au milieu desquels un cavalier couvert de l’armure cannelée du XVe siècle sonne de la trompette. Derrière ce paladin égaré dans cette scène mythologique flottent des étendards bariolés et s’agitent des hommes d’armes. L’édification du nouvel Opéra fait le sujet du troisième panneau. Au second plan, à droite, la ville de Paris, personnifiée par une jeune femme vêtue de vert, reçoit des mains de l’Architecture le plan du nouvel Opéra. On en distingue parfaitement les principales lignes. Paris tient l’épée et l’écusson au chef d’azur fleurdelisé d’or. Une naïade couchée à ses pieds, sur une urne fluviale, symbolise la Seine. À gauche, la Peinture, la Sculpture et la Musique portent leurs attributs caractéristiques. Au fond galope un Pégase, d’un blanc marmoréen, dont l’énorme corps à la Van der Meulen est supporté par de véritables pieds de cerf. On peut douter qu’ainsi conformé ce noble animal fournisse une bien longue course. Le dernier panneau représente Apollon conduisant le quadrige du soleil et couronné par la Victoire. Au premier plan s’étend un lourd nuage gris de fer, qui porte la sibylle et son trépied fumant. La Victoire est légère et de formes assez pures, mais elle a moins l’air d’une Victoire couronnant un dieu que d’un premier sujet essayant une pointe au foyer de la danse. Pour le chétif Apollon qui conduit son quadrige dans une raideur toute britannique, il est littéralement en bois vernissé comme les idoles de l’Inde.