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italiens, personnifie avec le plus d’éclat l’esprit du XVe siècle. C’est là qu’à l’exemple de son grand-père et de son père il rassembla les trésors d’art qui aux Uffizi et à la bibliothèque San-Lorenzo recommandent aujourd’hui sa mémoire. C’est là qu’il sut attirer et réunir, par une protection sans hauteur et par le charme d’une rare intelligence, l’élite de ses contemporains ; c’est là qu’il trouva le moyen de maintenir entre les états de l’Italie un équilibre profitable à la paix publique et à l’indépendance de la péninsule ; mais c’est là aussi qu’il prépara les actes par lesquels il réussit à confisquer le peu de liberté qui restait aux Florentins. Le palais Riccardi d’ailleurs n’est pas seul à nous parler de Laurent. Ce nom se retrouve partout à Florence, car pendant vingt-trois ans Laurent de Médicis y régna souverainement sans avoir le titre de prince. Il y domina par le despotisme habilement dissimulé sous les dehors des formes républicaines, par l’influence de la richesse, par les encouragemens prodigués aux érudits, aux philosophes, aux poètes et aux artistes, par l’éclat des fêtes et aussi par l’impulsion donnée aux plaisirs de la foule, plaisirs souvent corrupteurs, aussi pernicieux pour la moralité publique que pour la liberté, puisqu’ils tendaient à ressusciter le paganisme aux dépens de la civilisation chrétienne.

Il y a chez Laurent beaucoup à louer, beaucoup à blâmer. On ne saurait le juger tout d’une pièce, et les côtés brillans de son caractère, qui lui ont valu le surnom de Magnifique, ne doivent pas faire passer condamnation sur les faiblesses et les fautes. Cette vie si complexe a été sans doute bien souvent étudiée ; avait-elle été toutefois exposée jusqu’ici avec tous les développemens qu’elle comporte, avec une critique sans préventions ? Roscoe, que l’on consulte d’ordinaire, est un guide peu sûr et presque un panégyriste. Aussi doit-on savoir gré à M. Alfred de Reumont de la tâche qu’il s’est imposée en entreprenant d’écrire une biographie impartiale et complète. M. de Reumont, après avoir longtemps vécu à Rome, dont il a retracé l’histoire, a fait un séjour prolongé à Florence pour y étudier sur place son sujet. Aucun document ne lui a échappé. C’est avec les lettres de Laurent, avec les rapports des ambassadeurs, avec les écrits des contemporains, qu’il a composé son récit. Chaque personnage accessoire est étudié par lui avec autant de soin que le personnage principal. Est-ce à dire que cet important travail ne puisse soulever aucune objection ? D’abord les différentes parties ne forment pas un tout assez homogène ; les vues d’ensemble font défaut. Très précis et presque méticuleux dans les détails, M. de Reumont ne domine pas d’assez haut son sujet. En outre il eût été souhaitable que l’exposé des faits ne fût pas aussi fréquemment interrompu par des digressions, et que, là où