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San-Gallo, frère de Giuliano, il tint sur les fonts baptismaux un enfant naturel de Julien de Médicis, et, quand Julien eut été assassiné, cet enfant, qui devait être le pape Clément VII, fut remis entre les mains des Giamberti.

Sans être aussi intimes, les relations entre Laurent de Médicis et Giuliano da Maïano témoignent d’une entente réciproque. Giuliano, en passant à Urbin, trouva si beau le palais ducal, qu’il écrivit sans retard à Laurent pour l’exhorter à s’en procurer le dessin. De son côté, Laurent ne crut pas pouvoir mieux prouver à Giuliano sa sympathie qu’en l’envoyant comme architecte au roi de Naples en 1480, mettant ainsi le sceau à sa réconciliation avec Ferdinand et associant l’art aux calculs de la politique. En outre, lorsque Giuliano mourut à Naples en 1490, le chef de la république florentine exprima aussitôt, dans une lettre au duc de Calabre, le sincère regret que cette mort lui causait ; mais alors comment expliquer qu’il n’ait jamais eu recours pour lui-même aux talens d’un homme qu’il estimait à ce point ? Comment n’a-t-il pas eu non plus la pensée de s’adresser à Benedetto, frère de Giuliano, l’illustre architecte du palais Strozzi ? N’est-on pas en droit de lui reprocher d’avoir jusqu’à un certain point méconnu la supériorité de ces artistes ?

Que dire aussi du rôle que joua Laurent au moment où les Florentins espérèrent que la cathédrale allait enfin avoir une façade en rapport avec le reste du monument ? Les consuls de l’art de la laine résolurent[1], le 12 février 1490, de faire achever à leurs frais Sainte-Marie-des-Fleurs. On fit appel à toutes les bonnes volontés. Peintres, architectes, sculpteurs, se mirent à l’œuvre. Un héraut de la ville et un chanoine envoyèrent aussi chacun leur dessin. Le 5 janvier 1491, une commission, composée en partie des plus illustres artistes, se réunit pour juger les différens projets. Les modèles étaient déjà classés selon leurs mérites respectifs quand le chanoine Benci, un des concurrens, demanda que Laurent fût consulté, afin que le goût d’un homme aussi compétent préservât l’assemblée de toute erreur. Allant plus loin encore, Bartolomméo Scala se prononça pour l’ajournement de la décision dans une affaire qui, suivant lui, réclamait de plus mûres réflexions. Cette opinion, partagée par Laurent, prévalut, quoique deux des juges s’y fussent seuls rangés ouvertement. Au moins aurait-on pu croire qu’au bout de quelque temps une résolution aurait été prise. Il n’en fut rien. Seize mois après, Laurent mourait sans avoir provoqué une nouvelle délibération, et les malheurs des temps qui suivirent nous ont légué un édifice où la nudité de la façade forme un triste contraste avec les marbres et les sculptures dont les côtés sont

  1. Peut-être à l’instigation de Laurent, selon les annotateurs de Vasari.