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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/249

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Aberdeen et de lord John Russell ; le roi des Belges n’a-t-il pu soutenir le zèle de ses amis de Westminster ? Et n’est-ce pas à cette circonstance qu’il fait allusion quand il dit : « Ce qui s’est passé en Angleterre depuis le mois de janvier a dû influencer notre politique ; nous ne pouvions pas tolérer d’être représentés comme un obstacle à la politique anglaise. »

On se souvenait de ce péril si heureusement écarté, on se souvenait de tant d’autres crises où la personne de Léopold Ieravait été la sauvegarde de la nation, quand aux approches du mois de juillet 1856, vingt-cinq ans après la fondation du royaume, la reconnaissance populaire voulut célébrer le jubilé du roi.

Le 21 juillet 1856, vers midi, le roi Léopold sortit à cheval du château de Laeken, ayant à ses côtés ses deux fils, le duc de Brabant et le comte de Flandre. Un brillant état-major l’accompagnait. Dès que le cortège royal se montra dans l’avenue, des acclamations enthousiastes retentirent. Une foule immense se pressait sur les routes qui conduisent du château à la ville. Pas à pas, simplement, royalement, comme un pasteur de peuples au milieu de son troupeau, comme un père au milieu de ses fils, le roi, salué de vivats sans fin, traverse la multitude amie et se dirige vers l’arc de triomphe où l’attendent les représentans de la cité. Le programme est celui du mois de juillet 1831. C’est ici, à cette place, que les clés de Bruxelles lui ont été remises, le jour de la fondation du royaume. Aujourd’hui encore, comme il y a vingt-cinq ans, le bourgmestre, assisté des échevins et du conseil communal, est à son poste pour recevoir le magistrat souverain. En ce temps-là, il lui souhaitait la bienvenue ; cette fois il lui exprime la reconnaissance publique. On saluait alors une espérance, on salue désormais et le présent et le passé, garanties certaines de l’avenir. Aux cordiales paroles du bourgmestre, le roi répond d’une voix émue, puis il entre dans la ville. Que de souvenirs magnifiquement évoqués ! Cette foule, ces bannières, ces cris de joie, ce triomphe d’où les insulteurs sont absens, c’est l’image agrandie de ce qui s’était passé il y a un quart de siècle tout le long de ce même parcours. On dirait que l’allégresse publique est plus radieuse encore et le soleil plus éblouissant ; la nature s’associe aux joies de la cité, Enfin, à une heure, le cortège royal arrive sur la place où Léopold, en 1831, a prêté serment à la constitution. Voici l’église Saint-Jacques devant laquelle était dressée l’estrade. Quels sont ces hommes debout sur les marches de l’église ? Hélas ! une seule chose a changé dans la cérémonie. Ici même, sur cette place, le congrès national avait assisté tout entier au baptême de la royauté belge. Députe ces vingt-cinq années, dans ce grande mortalis œvi spatium,