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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/260

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conservera dans ses rangs l’étroite union qui pour tous les partis est le premier fruit et la première récompense d’une noble et bonne action pratiquée en commun.

« L’année dernière, le pays me remerciait de mon dévoûment ; je le remercie aujourd’hui de sa confiance.

« Cette lettre vous fera voir combien je suis heureux de me trouver d’accord avec vous, combien j’approuve votre conduite.

« Mon désir est de continuer à veiller avec vous et avec vos collègues aux intérêts de ce beau et bien-aimé pays.

« Veuillez croire, mon cher ministre, aux sentimens affectueux que je vous porte.

« LEOPOLD. »


Il est à peine nécessaire de dire que Stockmar suivait ces événemens de la Belgique avec un redoublement d’attention. Sans parler de son dévoûment à la personne du roi, on sait quel prix il attachait au succès de l’expérience belge. Ce terme, qu’il employait souvent, exprimait bien sa double sollicitude. Stockmar se préoccupait à la fois et de l’existence de la nation belge et de l’honneur de la monarchie constitutionnelle. Cette monarchie était-elle le meilleur moyen de garantir l’indépendance de la Belgique ? La Belgique saurait-elle comprendre cette raison d’état et respecter l’abri qui assurait ses destinées ? Sur ces deux points, Stockmar avait la foi et l’espérance. Il croyait à l’efficacité de la monarchie constitutionnelle, il espérait dans la sagesse politique de la nation belge, mais enfin c’était là une expérience à faire. Au milieu des divisions religieuses, au milieu des antagonismes cachés et des défiances opiniâtres, n’y avait-il pas lieu de craindre à tout instant qu’un conflit imprévu ne mît le feu aux poudres ?

Le conflit venait d’éclater, la loi de bienfaisance, comme l’appelait le gouvernement, la loi des couvens, comme l’appelait l’opposition, avait éveillé tout à coup des appréhensions sinistres. Toutes les agitations dont nous avons parlé peuvent être expliquées en deux mots : le parti catholique, en revendiquant la liberté des institutions charitables, avait paru démasquer un plan qu’il poursuivait depuis longues années ; l’église belge, disait-on, essayait de se soustraire au droit commun et de créer un était dans l’état. C’était l’éternelle question des temps modernes. Au point de vue des principes, cette question est bien simple, il est clair pour tout esprit philosophique et vraiment libéral que l’état ne doit pas asservir l’église ni l’église méconnaître l’autorité de l’état. Chacun de ces deux pouvoirs a son domaine propre, et cependant, ayant grandi ensemble, ayant contribué ensemble à former la nation, attachés l’un à l’autre par les mille liens d’une destinée commune, ils sont