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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/367

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peuplée à la hâte par des gens d’aventure ? Encore ceux-ci ne se tinrent-ils pas pour satisfaits. L’année était mauvaise, il y avait eu des accidens dans les fouilles, des querelles entre les mineurs et les cultivateurs. Jusqu’alors, les diamans s’étaient trouvés sur les bords du Vaal ; on en découvrit un filon d’une richesse merveilleuse sur un plateau, au milieu d’une ferme où fut fondée tout de suite la ville de Kimberley, qui est maintenant capitale de la province ; mais les propriétaires de cette ferme exigeaient des redevances de tous ceux qui s’établissaient sur leur domaine, tant pour creuser le sol, tant pour l’usage de l’eau ou du bois, tant pour un lot de terrain à bâtir. C’est là-dessus que la guerre éclata entre eux, si bien qu’il fallut appeler les troupes anglaises pour rétablir le bon ordre. La ferme fut alors achetée sur les ressources du budget public, qui eut en outre à payer les frais de cette petite expédition militaire, et en plus aussi l’indemnité accordée à l’état d’Orange pour l’abandon de ses droits territoriaux. Le tout réuni, accru des excédans annuels des dépenses sur les recettes, fait que cette nouvelle province est déjà chargée d’une dette considérable. Toutefois, les habitans sont pleins de confiance dans l’avenir de leur pays, convaincus que si les mines venaient à s’épuiser, il leur resterait d’immenses pâturages et des terres fertiles que l’irrigation peut préserver de la sécheresse, ce fléau de l’Afrique intérieure.

Quant à l’état libre d’Orange, il semble qu’après bien des péripéties il ait atteint le degré de prospérité dont est susceptible une communauté européenne isolée, réduite à ses propres ressources, au milieu d’un continent. Les finances sont en bon ordre, le pays est tranquille. Peut-être en faut-il rapporter le mérite au président Brand, un enfant de la colonie, qui, étudiant de l’université de Leyde, avocat en Angleterre et professeur au Cap, fut choisi en 1863 par les burghers de l’Orange et réélu par eux, jusqu’à ce jour, de cinq en cinq années ; mais que deviendra ce petit état de 30,000 blancs au milieu des établissemens anglais qui maintenant le cernent de tous côtés ? Il est inévitable que tôt ou tard il soit annexé. Si cette annexion s’opère sous forme d’une union fédérale, ainsi que le proposait lord Carnarvon en 1875, il n’y perdra rien de son indépendance.


III

Il est naturel qu’il y ait beaucoup d’analogie entre l’histoire de l’Orange et celle du Transvaal. Cependant, de ces deux républiques, la dernière a été fondée par les plus indisciplinés des boers, par ceux que le frein d’une autorité régulière effarouchait le plus. Le gouvernement devait tenir chez eux moins de place que partout