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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/675

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sans remède, l’humiliant fléau des invasions, l’accablante douleur des démembremens, dont leur histoire contemporaine est remplie. Ils perdraient devant l’Europe cette renommée d’agitateurs et d’agresseurs qui fut l’origine de tant de haines trop souvent justifiées ; mais leur supériorité dans la guerre, due à l’énergique ressort des institutions militaires, de l’esprit public et de l’esprit de l’armée, serait le sûr auxiliaire des revendications légitimes de l’avenir, et elle entourerait notre pays de ce respect, de ce noli me tangere qui garantit aux nations le bienfait des longues paix.

Cette préparation de la population française aux devoirs de la défense nationale, par l’éducation militaire de ses enfans et de ses adultes, serait complétée par un ensemble de mesures qu’il appartient tout à la fois à l’état et aux particuliers de décider et d’encourager, en vue d’assurer à cette éducation des effets pratiques durables. Telle serait la création dans tous les établissemens d’instruction publique d’écoles de gymnastique ? et, pour les classes supérieures, d’exercices militaires (maniement des armes et manœuvres élémentaires), et dans les villes et les bourgs, d’exercices de tir patronnés et primés par les municipalités et par des sociétés de tir, donnant lieu à des concours périodiques entourés d’une certaine solennité. A l’avènement de Colbert aux affaires, dans l’emploi de contrôleur général des finances (1662), la marine française comptait trente-trois[1] navires de guerre. A sa mort (1683), elle en comptait deux cent soixante-seize, et on se demande par quels procédés le département de la marine était parvenu à former le personnel spécial de canonniers qui combattaient dans toutes les mers sur ce formidable instrument de guerre navale. L’ordonnance de 1660, — titre 19, — nous révèle l’un des plus efficaces de ces procédés : « Pour exciter les gens de mer à s’instruire dans l’artillerie, veut sa majesté que tous les dimanches, soient distribués deux prix à ceux qui auront fait meilleure réponse et mieux servi la pièce, savoir : un d’une pistole et un d’une demi-pistole ; et qu’il soit de plus tiré tous les trois mois un prix extraordinaire d’une épée et d’un baudrier à la livrée du roi, de six pistoles, pour être délivré au meilleur tireur. »

Ainsi : l’éducation militaire nationale par le catéchisme militaire à l’école communale, et par les traités complémentaires dans les établissemens d’instruction secondaire, les exercices gymnastiques et militaires dans les mêmes établissemens, les exercices et concours de tir, dans les centres habités de quelque importance, seraient le point de départ des institutions dont les armées sont le

  1. Archives de la marine. Colbert, contrôleur général des finances, n’avait joint à ces attributions celles du département de la marine qu’en 1669.