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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/681

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d’une dette que le budget (c’est-à-dire la masse des contribuables), dont la situation était difficile, et même précaire, se défendait énergiquement d’acquitter pour elles. Reconnaissant son impuissance à réaliser ce dessein, elle décida, pour s’en consoler, qu’à l’avenir l’attribution des bourses et demi-bourses, dans ces écoles, serait réglée non par la comparaison des services que les familles civiles ou militaires en instance auraient rendus au pays, mais par la comparaison des divers degrés d’indigence, dont elles feraient la preuve devait les conseils municipaux chargés de constater leur situation.

Ce régime, qui a présentement vingt-six ans de durée, a singulièrement découragé les familles militaires et réduit le nombre de celles qui destinaient traditionnellement leurs enfans à l’armée. Voici un officier général ou supérieur, chef d’une famille dont les mâles, élevés pour ainsi dire au milieu des troupes et en vue du drapeau, n’inclinent pas ordinairement vers le commerce, l’industrie ou les emplois publics civils. Le père a plusieurs enfans, il est sans fortune, selon la règle commune à la plupart des officiers français, et quand l’heure de la retraite sera venue, sa vie sera difficile, souvent disputée, bien qu’il ait actuellement, pour le dehors, l’état de maison que comporte son grade avec le traitement et les avantages particuliers qui s’y rattachent. Il a fait de longs, quelquefois de durs sacrifices pour l’éducation et pour l’instruction de ses fils, qu’il a conduits jusqu’au seuil de l’École militaire, et sa carrière touche à sa fin. S’il veut obtenir pour eux une bourse, une demi-bourse, il faut préalablement qu’il se résigne, — non sans combat, avec un légitime sentiment de dignité personnelle et professionnelle, « — à demander à un conseil municipal, où l’intérêt des choses militaires et la sollicitude des services rendus dans l’armée n’ont pas ordinairement de représentation spéciale, une déclaration qui n’est autre qu’un certificat de pénurie. S’il se rencontre devant ce conseil un autre impétrant, étranger à l’armée, vivant d’un travail manuel quotidien, notoirement dépourvu de ressources, à qui des circonstances particulières ont permis d’assurer à son fils l’instruction nécessaire pour le concours, son instance primera presque inévitablement la première.

C’est un résultat qui répond, je le sais, aux préoccupations habituelles de la démocratie française ; il est expressément préjudiciable à ses intérêts bien compris, à sa sécurité, à son avenir. Elle ne considère pas assez, malgré les avertissemens qu’elle en a, qu’elle est comme isolée dans le monde politique européen, isolée et entourée tout à la fois ; qu’elle a été amenée par ces avertissemens, tardivement, à s’armer tout entière pour la défense de ses principes, de ses frontières et de ses foyers ; que les armées ainsi faites ont à un bien plus haut degré que les armées d’autrefois, qui