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dû, soit de la personne, soit des biens ; ’ » c’est l’impôt de capitation et l’impôt foncier. Louis le Pieux promulgue une prescription semblable en 819, et, dans un capitulaire de 829, il mentionne un tribut qui est levé dans le royaume par les soins des comtes et de leurs agens. D’autres textes signalent des remises d’impôts, et nous y voyons que les percepteurs chargés du recouvrement sont appelés du même nom que sous l’empire, exactores[1]. Charles le Chauve lui-même, dans le fameux édit de Pistes de 864, fait allusion au paiement de l’impôt public comme à une chose ordinaire, lorsqu’il dit « que les hommes libres qui doivent le cens au roi, soit pour leur personne, soit pour leurs biens, se gardent de se donner eux ou leurs terres à une église sans notre permission, de peur que la chose publique, respublica, ne perde ses revenus. S’ils l’ont fait, que l’église qui a pris possession de leurs biens paie au trésor royal le même cens que ces hommes payaient auparavant. » On a prétendu que le mot cens désignait ici la redevance privée à laquelle les serfs, colons et détenteurs des terres du prince étaient assujettis ; mais le texte que nous venons de citer marque au contraire que les hommes dont il s’agit sont absolument libres, franci ; ils sont, non pas tenanciers, mais propriétaires des terres qu’ils occupent, puisqu’ils ont pu en faire donation. Le cens dont parle ici Charles le Chauve ne peut donc être que l’impôt foncier, lequel était encore payé à l’état, ou, comme on disait dans la langue de la chancellerie carlovingienne, payé à la république.

Il est possible que ce qu’on appelait le don annuel ou don public, donum annuum, donum generale, eût un caractère un peu différent des anciens impôts romains. On a supposé que ce don était volontaire et laissé à la discrétion du contribuable ; mais il n’y a de cela aucune preuve. Le mot don ne doit pas plus nous faire illusion au IXe siècle que le mot octroi au XVIIe. C’est souvent une erreur d’interpréter les termes de l’histoire dans leur sens littéral. On a conjecturé aussi que cette sorte d’impôt venait des anciens Germains, parce que Tacite emploie en parlant d’eux une expression analogue ; mais c’est encore là une assertion qui manque de preuve. Il est vrai que les annalistes du ixe siècle disent que le paiement de ces dons était une coutume ancienne ; mais il est bien singulier que les dons n’apparaissent jamais dans les documens de l’époque mérovingienne et qu’au contraire ils soient signalés maintes fois depuis Pépin le Bref jusqu’à Charles le Chauve. Une série de textes, dans le continuateur de Frédégaire, dans Éginhard, dans Hincmar, dans les chroniques de saint Bertin et de saint

  1. Capitulaires, liv. VI, c. 369, et additio tertia, c. 46.