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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/780

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dissimulait adroitement. Il semblait que ces ruses d’outre-tombe eussent été imaginées pour aiguiser la passion de Mariette et le piquer au jeu dans ses contre-sapes, dans sa latte avec le mort qu’il poursuivait. Le plus petit bibelot, à Boulaq, rappelait à son inventeur un incident, un voyage, un ami associé à l’entreprise, un souvenir de jeunesse, une : ironie de la destinée, comme tel pharaon restauré dans une fouille ; sous les yeux de tel prince aujourd’hui dépossédée C’était tout le roman de la vie du savant qui tenait, entre ces murs ; ses joies, ses amours, ses triomphes, ses mécomptes, toute cette moisson d’une vie que les autres hommes égrènent aux quatre vents et que cet esprit, concentré sur sa tâche avait engrangée : dans cette galerie. On comprenait qu’il adorât son : petit univers, qu’il se reprît souvent à en raconter l’histoire : c’était la sienne.


II

Je n’ai pas à la refaire ici, cette histoire. Un de nos collaborateurs l’a retracée, et on ne l’a pas oubliée. Ceux qui voudront la mieux connaître encore la liront dans le récit même du héros. Comme s’il avait le pressentiment de sa fin, Mariette avait rédigé dans ces dernières années, en dehors des préoccupations de science pure, l’historique de ses premières découvertes, de ses grandes campagnes de Saqqarah. Il les a écrites comme il les contait, avec un feu de jeunesse et une émotion de souvenir qui gagnent le lecteur mieux qu’aucun roman d’aventures. Qu’il me suffise de rappeler les dates culminantes de cette vie. Mariette était né à Boulogne en 1821 ; (Ainsi, il est tombé avant soixante ans le bon soldat de la science, usé par les fatigues, les veilles, le soleil du désert, la maladie de foie qui assombrissait son humeur.) A vingt-cinq ans, professeur au collège de sa ville, natale, il fait dans le musée, de Boulogne sa première fouille et trouve une momie qui croyait sans doute dormir tranquille en province jusqu’à la fin des temps ; il feuillette un mémoire de Champollion et entend le dieu d’Égypte qui l’appelle. En 1848, attaché au Louvre, Mariette rêve sur un passage de Strabon ; dans ce rêve apparaissent, aux portes de Memphis, les sépultures monumentales des Apis célèbres dans toute l’antiquité. Pourquoi ne le retrouverait-on pas, en cherchant, ce panthéon du vieux monde ? On avouera qu’il fallait bien être égyptologue pour songer en 1848 à restaurer des dieux et des rois. Le petit employé du Louvre s’agite, intrigue, obtient de M. de Falloux, l’année suivante, une mission pour les couvens coptes, où il ne devait jamais aller, et un crédit de 8,000 francs, si mes