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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/179

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pour la pêche à Terre-Neuve sans sécherie ; et une autre prime de 12 à 20 francs par quintal de morue sèche, suivant les lieux où elle est expédiée. Il ne néglige rien non plus de ce qui peut améliorer pour les marins les conditions de la pêche, et leur signale les meilleurs modèles de bateaux ou de filets employés par les étrangers et dont il juge qu’ils auraient avantage à se servir.

Depuis une trentaine d’années, la pêche de la morue est restée, sauf les variations dues aux saisons plus ou moins favorables, et aux prix plus ou moins élevés, sensiblement la même. Elle comprend de 350 à 400 navires jaugeant 40,000 tonneaux et montés par 12,000 hommes. Elle produit 30 millions de kilogrammes de morue d’une valeur de 15 millions de francs. Rien, du reste, n’est plus aléatoire que la grande pêche, en raison des mauvais temps auxquels les bâtimens sont exposés, et l’on trouve fréquemment, d’une année à l’autre, des différences considérables. Le produit de la pêche peut être évalué pour l’armateur à 25 ou 30 pour 100 du capital déboursé, et pour chaque matelot à 500 ou 600 francs pour chaque campagne. Faible rémunération pour un si rude labeur !

La pêche du hareng ne rentre pas dans la grande pêche ; bien qu’elle se fasse au large de nos côtes et qu’elle exige des bâtimens d’un assez fort tonnage, elle figure dans les statistiques de la marine parmi les pêches côtières.

Le hareng, au moment de frayer, c’est-à-dire vers le mois de janvier, s’élève du fond des eaux et se rapproche des rivages pour y déposer ses œufs. Il se groupe en bancs innombrables qui, sauf certaines intermittences jusqu’ici inexpliquées, visitent chaque année les mêmes régions. Comme ces bancs passent avec une grande rapidité, les pêcheurs ne peuvent, comme pour la morue, s’installer sur des points déterminés, ils sont obligés de suivre les poissons dans leur marche et se rendent à cet effet, en juin et juillet, aux Orcades et aux Shetlands, en août et en septembre.sur les côtes d’Ecosse et dans la mer Baltique, et reviennent en octobre, novembre et décembre dans la Manche. Ils se servent pour la pêche de filets en fil de coton tannés[1], réunis par groupes de trois ou quatre et : tendus verticalement dans la mer au moyen de pierres attachées à la partie inférieure et de flottes fixées à la partie supérieure. Ces filets, placés le soir et relevés le matin, donnent en moyenne un millier de poissons. La préparation des harengs est très simple : après leur avoir enlevé les ouïes et les intestins, on les place par couches dans des barils en les recouvrant de sel. Quand le baril est

  1. Les filets de coton, plus souples que ceux du chanvre, offrent moins de résistance aux poissons, qui se prennent ainsi plus facilement dans les mailles. C’est à l’instigation de la marine que les pêcheurs ont consenti, non sans peine, à cette substitution.