Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pêche de l’huître est absolument interdite pendant la nuit, durant l’époque du frai, c’est-à-dire du 1er mai au 31 août, et même lorsque la pêche est ouverte, sur les bancs désignés par l’autorité maritime. Tandis que, par ces mesures conservatoires, l’administration de la marine cherchait à reconstituer les anciens bancs, elle ne négligeait pas les moyens d’en créer de nouveaux, et prêtait tout son concours à M. Coste, qui avait rêvé d’entreprendre le repeuplement artificiel de nos rivages. S. la suite d’un voyage d’exploration dont il avait été chargé, en 1855, sur les côtes de France et d’Italie, ce savant proposa, pour atteindre ce but, de mettre en pratique les procédés qu’il avait été à même d’observer sur le lac Fusaro, près de Naples, dont les huîtrières ont de tout temps joui d’une grande réputation. Ces procédés sont décrits dans une série de rapports qui ont été livrés à la publicité et dont chaque page trahit l’espoir de doter la France d’une richesse nouvelle.

L’huître est un mollusque hermaphrodite qui pond du mois de juin au mois de septembre ; elle n’abandonne pas immédiatement ses œufs, mais les conserve en incubation entre les lames branchiales, plongés dans une matière muqueuse d’un aspect laiteux. Lorsqu’ils sont suffisamment développés, les embryons sont rejetés par la mère, et, grâce à un appareil natatoire dont ils sont munis, ils vont à la recherche d’un point d’attache. Chaque huître pond de 1 à 2 millions de germes, qui sont pour la plupart emportés vers la haute mer avant d’avoir pu se fixer ; d’autres deviennent la proie de leurs ennemis, contre lesquels ils ne peuvent se défendre ; là plus faible partie seulement échappe à la mort, et, se fixant sur les rochers, contribue à la perpétuation des bancs. Pour combattre ces causes de destruction, M. Coste a proposé d’appliquer en grand le procédé employé au lac Fusaro, qui consiste à donner artificiellement au naissain des points d’appui, pieux ou fascines, pour s’y fixer, et que M. de Bon, alors commissaire de la marine, avait déjà expérimenté, en 1854, à Saint-Servan avec un certain succès. M. Coste ne s’est jamais donné comme l’inventeur de ce procédé, mais il a eu la gloire de le faire passer dans la pratique par l’ardeur qu’il a mise à le vulgariser. La première tentative de repeuplement sur une grande échelle fut entreprise, en 1858, dans la baie de Saint-Brieuc ; 3 millions d’huîtres achetées à Cancale et à Tréguier furent versées sur divers points de cette baie avec l’aide de deux avisos de l’état, remorquant une flottille d’embarcations qui portaient le coquillage. Sur ces bancs improvisés on répandit à profusion des écailles d’huîtres, et l’on descendit de longues lignes de fascines maintenues par un lest de pierre à 0m,30 ou 0m,40 au-dessus du fond, destinées les unes et les autres à servir de collecteurs. La réussite parut d’abord complète, car, après