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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/203

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sur le marché, au grand préjudice de leur qualité, et seraient vendus aussitôt pris.

En s’associant, les pêcheurs pourraient aussi avoir leurs viviers, améliorer leurs engins de pêche et augmenter le tonnage des bateaux. La pêche au large est la plus fructueuse, mais elle nécessite des bateaux pontés, que la plupart des patrons sont trop pauvres pour pouvoir se procurer ; elle demande aussi des engins plus dispendieux. S’ils étaient associés, ils pourraient se procurer le matériel à frais communs, ou tout au moins trouveraient plus facilement du crédit pour pouvoir l’acheter.

Il existe en Irlande, sous le nom de Reproductive Loan Fund, une institution fondée par le Board of public Works, qui a pour objet de faire aux pêcheurs des prêts d’argent sur bonnes recommandations et cautions. Depuis le 1er janvier 1875, date de la mise en vigueur de la loi, jusqu’au 31 décembre 1879, cet établissement avait effectué 1,420 prêts se montant à. 25,212 livres sterling, ou 630,000 francs, sur lesquelles 15,424 livres, ou 385,000 francs, avaient été recouvrées. Une institution du même genre devrait exister en France, et si l’on jugeait que l’état ne peut s’en charger, du moins pourrait-on créer quelque société de crédit qui rendrait à la pêche maritime des services du même ordre que ceux que le Crédit foncier devait rendre à l’agriculture. Nul doute qu’une vive impulsion de cette branche d’industrie ne soit la conséquence de l’écoulement des capitaux dans cette direction[1].

Une autre question qui se présente naturellement est celle de savoir s’il ne conviendrait pas de protéger l’industrie de la pêche par un droit plus élevé sur les produits étrangers. Ces droits sont aujourd’hui de 5 francs par 100 kilogrammes pour les poissons frais ; de 10 francs par 100 kilogrammes pour le poisson salé ou fumé autre que la morue, et de 48 francs pour cette dernière. Ils sont assez élevés pour empêcher les prix de s’avilir sur le marché français, sans éloigner pour cela le poisson étranger, dont la consommation a absolument besoin, puisque nos importations s’élèvent à une trentaine de millions. Ce qui prouve qu’ils sont suffisans, c’est que l’industrie de la pêche, au lieu de péricliter, est en voie de progrès, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la valeur des produits.

Bien des personnes ont pensé et écrit que l’inscription maritime était un obstacle au développement de la pêche en France. Nous ne saurions partager cette opinion. L’inscription maritime n’entrave

  1. Dans certains ports, notamment à Bayonne, il s’est fondé des sociétés pour l’exploitation de la pêche au moyen de bateaux à vapeur ; c’est une innovation très heureuse et qui mérite d’être encouragée.