Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Que d’années déjà passées depuis les grandes épreuves de la France ! Que de jours sont tombés en tourbillonnant comme les feuilles mortes dans l’abîme des choses évanouies ! Toutes les fois que revient cette dernière heure de décembre, qui marque dans notre vie une étape de plus, on ne peut se défendre d’une sorte de serrement intérieur en songeant à tout ce qui n’est plus, à tout ce qui a disparu, et, devant cette fuite du temps, devant cette précipitation universelle des choses, s’il est un sentiment qui s’éveille, qui se précise en nous, c’est que tant d’années et de jours écoulés auraient pu certes être mieux employés pour le bien et pour l’honneur du pays. Après treize années, qu’a-t-on fait pour la France ? C’est l’inévitable et douloureuse question.

Il faut sans doute se garder de toute humeur morose. Nous ne voulons pas dire que, dans ce passé, qui déjà se dérobe dans le lointain derrière nous, il n’ait été rien fait de sérieux et d’utile pour notre nation si cruellement éprouvée. Oui sûrement, il y a eu des efforts généreux ; il y a eu des instans, surtout au lendemain de nos grandes misères, où les patriotismes se sont émus, où l’on oubliait à demi qu’il y avait des partis, où toutes les bonnes volontés s’alliaient pour remettre la France debout, pour lui rendre les moyens de vivre. Malheureusement, à mesure qu’on s’est éloigné des jours de deuil national, on à perdu quelque peu le sentiment de tout ce qu’il y avait encore à faire. On est revenu aux vieilles querelles, aux agitations stériles