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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/535

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ville de Cyzique. Les Goths ne se souciaient pas d’exposer leur flottille aux rigueurs de l’automne, qui annonçait, par ces pluies prématurées, son approche. Ils ajournèrent à l’année suivante leurs déprédations et regagnèrent la côte d’Europe à la hauteur d’Héraclée. Mais déjà la saison était peu propice au retour. Les populations de toutes parts avaient couru aux armes ; Venerianus, le commandant de la flotte romaine, annonçait l’intention de fermer le passage aux hordes qui se hâtaient de rejoindre leurs repaires. Un combat s’engagea non loin de l’entrée du Bosphore ; les Goths en sortirent vainqueurs, et Venerianus y trouva, suivant l’expression de Trebellius Pollion, un des écrivains de l’Histoire auguste, la mort d’un soldat. Le naufrage, les pertes subies pendant les fourrages qu’il fallait faire pour se procurer des vivres vengèrent cependant largement les Romains. La flottille ne rentra dans les ports de la Chersonèse Taurique que considérablement diminuée.

Les pirates ne se découragent pas pour si peu. Une troisième expédition fut immédiatement entreprise : elle comptait plus de cinq cents voiles. Les Goths ne s’attardèrent pas, cette fois, à piller les côtes du Pont-Euxin ; ils allèrent droit du Bosphore Cimmérien au Bosphore de Thrace. Bien qu’ils eussent le courant pour eux, le vent contraire les rejeta d’abord du milieu du détroit dans la Mer-Noire ; le lendemain, le vent changeait ; quelques heures d’une brise favorable portaient les envahisseurs jusque sous les murs de Cyzique. Enlever et détruire cette place qui avait résisté aux armes de Sparte d’abord, à celles de Mithridate ensuite, fut pour eux l’affaire d’un instant. Enivrés par ce premier succès, ils conçurent le dessein de pousser plus loin leurs ravages. C’est presque toujours un habile calcul de porter le théâtre de la guerre sur un point où l’on n’est pas attendu : la surprise et l’effroi combattent alors pour vous. Les Goths franchirent résolument l’Hellespont, jetèrent la terreur dans la mer Egée et parurent tout à coup devant Athènes, dont les murailles n’avaient pas été réparées depuis le jour où Sylla était entré par la brèche dans la ville de Minerve. Les barbares se rendirent bientôt maîtres de la place : Athènes subit le sort de toutes les villes où le fléau dévastateur pénétrait.

Combien de monumens durent alors périr ; et qu’il faut remonter loin, on le voit, pour rencontrer la date des premières mutilations infligées aux chefs-d’œuvre dont nous déplorons si amèrement la perte ! Trebellius Pollion nous affirme que les Goths furent enfin vaincus par les Athéniens marchant sous la conduite de Dexippe, écrivain peu connu de cette époque obscure. Que Trebellius Pollion n’a-t-il dit vrai ! Ce serait du moins une consolation pour nous de savoir que les premiers qui osèrent porter la main sur ces