Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la science, une éruption prodigieuse, suivie d’une rechute, un immense courant de va-et-vient. Et qu’est-ce que cette éruption, qu’est-ce que ce courant, sinon une distillation gigantesque ? Sublimer les corps, les laisser retomber refroidis et condensés, puisses sublimer à nouveau, c’est ce que faisaient les alchimistes et c’est ce qui se passe dans le soleil.

Mais quittons ces hauteurs, et de toutes ces observations, gardons la connaissance de la fixité du point d’ébullition des corps, connaissance précieuse qui nous permet, étant donné un mélange confus, de faire envoler à point nommé et d’évoquer en quelque sorte, à notre gré, la substance dont nous avons besoin. Suivant cette loi, nous distillons une quatrième fois le naphte, et entre 90 et 115 degrés, nous recueillons la benzine.

Avant de faire l’histoire de cette précieuse matière, disons, pour n’y plus revenir, que les huiles moyennes sont traitées, absolument comme les huiles légères, par l’acide sulfurique et la soude. Comme elles sont plus riches en alcalis et en acides, il faut seulement pour le lavage une plus forte proportion d’acide sulfurique et de soude. Ainsi débarrassées des corps étrangers qui leur donnaient mauvaise odeur, et réduites à n’être plus qu’un mélange de carbures d’hydrogène, ces huiles sont livrées au commerce. Elles sont employées pour l’éclairage. Elles servent aussi à dissoudre le caoutchouc ; mais, pour cet emploi, les fabricans préfèrent généralement le sulfure de carbone ; car si les huiles ne sont pas parfaitement épurées et lavées, elles laissent au caoutchouc une odeur goudronneuse.

Les matières colorantes n’étant point tirées des huiles moyennes, nous n’avons plus à nous occuper que des produits du naphte et des huiles lourdes.


IV

Faraday découvrit la benzine en 1825 dans des essences provenant de la fabrication du gaz par l’huile. Il l’appela hydrogène bicarboné. En 1835, Mitscherlich, ayant traité l’acide benzoïque par la soude, obtint un liquide volatil et lui donna le nom de benzine. Enfin Hofmann, en 1845, démontra que l’hydrogène bicarboné de Faraday et la benzine de Mitscherlich n’étaient qu’un seul et même corps. Ce corps, M. Berthelot en a expliqué la formation et l’a obtenu par synthèse en chauffant le gaz acétylène. Sa molécule se compose de trois molécules d’acétylène soudées ensemble ; au total de douze atomes de carbone pour six d’hydrogène. La benzine est un type de ces corps organiques qui fournissent, par substitution, d’interminables séries dérivées. Ce sont des édifices dont on enlève les pierres une à une, en les remplaçant par d’autres ; ou plutôt, si