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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La lutte engagée depuis le commencement de janvier contre la spéculation à la baisse, qui avait réellement abusé en décembre de la persistance de ses succès, se termine en liquidation de fin de mois par la défaite de cette spéculation. Le découvert, vigoureusement poursuivi, a dû se résoudre à capituler dans la majeure partie de ses positions : il résiste encore sur quelques points, mais il semble bien que les haussiers ne voudront pas laisser leur victoire incomplète.

Ce découvert, que la faiblesse du taux des reports fin décembre a complètement trahi, avait été formé peu à peu pendant les derniers mois de 1883 par les ventes de divers groupes de spéculateurs, français et étrangers, très hardis, qui, voyant le marché complètement abandonné à lui-même, le crédit de l’état discuté, une situation budgétaire menaçante, une expédition lointaine mal engagée et coûteuse, un ministère violemment attaqué, ont fini par se convaincre qu’il leur suffirait de peu d’efforts pour effrayer les porteurs de titres et les amener à vider leurs portefeuilles dans une journée de panique. Les opérations à la baisse se seraient alors liquidées fort aisément dans les plus bas cours, donnant de splendides bénéfices. Ces projets ont été contrecarrés par une résistance inattendue pendant les derniers jours de décembre, puis par une attaque énergique d’un parti de haussiers pendant tout le mois de janvier.

Il y a quelques semaines, l’éventualité d’un emprunt de l’état était tenue pour une cause de baisse. C’est cependant sur cette même éventualité que s’est faite la hausse depuis bientôt un mois. Le mouvement a été dirigé avec autant de prudence que de fermeté. La reprise a été pour ainsi dire continue, à peine arrêtée par des bruits d’ajournement de l’opération attendue. Aujourd’hui toute incertitude a disparu, el l’on tient pour assuré que l’emprunt sera fait dans les dix premiers jours de février. Comme la spéculation à la hausse avait manifestement étayé ses opérations sur la fixation de cette date, il n’est pas étonnant que le mois s’achève par la déroute complète de ses adversaires.

L’emprunt que va faire M. Tirard portera sur un chiffre d’environ 350 millions. L’autorisation de l’effectuer lui est concédée par l’article deuxième du budget extraordinaire, voté il y a deux jours par le sénat après une assez longue et très brillante discussion. On ne sait encore