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qu’elles n’étaient pas nées viables. Tout leur faisait défaut ; le capital et le travail, l’organisation et le personnel. Si la république avait pu vivre, ces sociétés n’en seraient pas moins mortes. Bien avant le 2 décembre, le socialisme de 1848 était en faillite et se voyait à la veille de déposer son bilan. Le coup d’état lui rendit un grand service en lui procurant, par une révolution politique, l’occasion et l’excuse d’un beau trépas.

Nous arrivons à la période impériale. L’empire est fait, et le champ du socialisme est jonché de ruines. Les apôtres et les sectaires sont déportés ou proscrits ; les groupes restés fidèles sont dissous par la force ; plus de propagande possible ; la presse est réduite au silence ; l’autorité seule a, pour un temps, la parole et l’action. Que voit-on cependant si, laissant de côté les considérations d’ordre politique, l’on s’en tient à observer quelle a été, sous l’empire, la part faite au principe de l’association et particulièrement aux associations ouvrières ? Il est impossible de contester que cette part fut très considérable. Dès que l’empire se sentit affermi, les mesures rigoureuses qui avaient accompagné et suivi le coup d’état, les dissolutions violentes de sociétés et de groupes corporatifs firent place à toute une série d’études, de décrets, de lois qui avaient pour objet le développement du travail, par l’autorité d’abord, puis par la liberté, et qui, soit sous la forme autoritaire, soit sous la forme libre, visaient à améliorer au moyen de l’association le sort des classes populaires. Ce fut au point que, parmi les critiques le plus fréquemment dirigées contre l’empire, se rencontre l’imputation d’avoir ressuscité le socialisme et, avec le socialisme, l’esprit démagogique et révolutionnaire. L’empereur, disait-on, était socialiste.

Le sujet restreint de la présente étude ne comporte pas l’examen détaillé des réformes accomplies, sous l’empire, dans notre législation économique ; nous n’avons à nous occuper ici que du régime de l’association. — L’empire commença par encourager les associations de capital et les institutions de crédit. Il accordait ainsi de larges primes au capital, mais il créait en même temps d’abondantes sources de travail, et il prodiguait indirectement les salaires. La France était encore fort arriérée dans la pratique de l’association financière et industrielle ; d’autres pays, l’Angleterre en tête, la devançaient rapidement, et ce n’était point la république troublée de 1848 qui avait pu l’aider à regagner le terrain perdu. L’empire vit donc juste en donnant l’essor aux grandes entreprises et en accordant ses faveurs, dussent-elles même paraître excessives, aux associations de capitalistes et aux compagnies chargées d’exploiter les services publics. Il y avait pourtant un péril. Ces sociétés si fortement organisées, absorbant les capitaux et le crédit, maîtresses