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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/855

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tradition, renouer la chaîne en ce point comme dans le reste. La révolution a condamné les études classiques ; la démocratie n’en demande et n’en veut pas savoir davantage ; un peu plus tôt, un peu plus tard, elle les supprimera.

« Faire des hommes modernes, suivant l’expression de Condorcet, adapter les intelligences aux nécessités du temps présent, » à la bonne heure, et voilà qu’elle comprend.

Parlez-lui des sciences et des vérités positives qu’elles enseignent ; elle ne connaît et ne voit rien au-delà de cette pédagogie étroite et bornée : ni les vérités morales, ni les beautés littéraires, ni l’éloquence, ni la poésie. A quoi servent ces choses dans la lutte pour la vie ? Quel profit immédiat et prochain, escomptable en belles espèces sonnantes, la jeunesse en tire-t-elle ? Peu ou point, la cause est entendue. Ainsi raisonnaient et raisonnent encore, avec cette apparence de logique brutale mais simple qu’affectionne la foule, les partisans de la suppression radicale des études classiques.

Les partisans d’une réforme partielle avaient de meilleurs argumens à faire valoir. Il est clair, en effet, que tout n’était pas pour le mieux dans le régime et les programmes de nos collèges avant 1880. En bien des points, ce régime et ces programmes étaient vicieux ou attardés. Déjà, dans les dernières années de l’empire, ils avaient été l’objet de critiques dont la vivacité n’excluait pas toujours la force ; déjà, peut-être me permettra-t-on de le rappeler sans fausse modestie filiale, des mesures d’une importance considérable avaient été prises. La création de l’enseignement secondaire spécial et de l’Ecole normale de Cluny avait commencé d’attirer du côté des carrières industrielles et commerciales une foule de jeunes gens qui encombraient naguère, sans profit pour eux-mêmes et au grand détriment des études, les classes de nos lycées. La transformation des collèges communaux en collèges d’enseignement spécial, si malheureusement arrêtée depuis que nos législateurs sont les maîtres absolus de l’administration, était en train de se faire, grâce à l’action exercée par un pouvoir énergique sur les municipalités. Enfin, par la fondation du lycée de Vanves, on était entré dans la voie où le peuple le plus pratique du monde, les Anglais, nous ont précédés de plusieurs siècles : de grandes maisons d’éducation plus confortables, plus vastes, mieux outillées sous le rapport des exercices physiques, allaient être établies dans les environs de Paris.

L’argent n’était pas alors ce qu’il est devenu depuis… le moindre souci des chambres et du gouvernement. Il fallait compter et beaucoup. Les commissions du budget n’étaient pas commodes sous l’empire ; elles ne remuaient pas comme aujourd’hui les millions