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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/930

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II

Le grand commandeur Requesens, gouverneur des Pays-Bas, mourut subitement, le 5 mars 1576. L’état des provinces espagnoles était critique, et il était nécessaire de lui trouver, sans tarder, un successeur. Le choix de Philippe II se porta sur don Juan. Il lui écrivit le 8 avril et lui dit que, pour pacifier les provinces, il croyait nécessaire de leur envoyer un prince de son propre sang. Don Juan, qui naguère avait redouté d’être envoyé aux Pays-Bas, reçut sa nomination avec joie. Les catholiques d’Angleterre, d’Irlande, d’Ecosse, envoyaient émissaires sur émissaires à Rome ; ils conseillaient une guerre de l’Espagne contre Elisabeth ; don Juan devait commander l’armée d’invasion, épouser Marie Stuart et devenir roi de la Grande-Bretagne. Dans les Pays-Bas, il pourrait tout préparer pour cette grande entreprise.

Philippe II ordonnait à don Juan de partir sur-le-champ pour la Lombardie, de n’emmener de Naples que son secrétaire Escovedo et quelques domestiques. En le voyant arriver sans soldats, sans conseillers, les Pays-Bas seraient touchés de tant de confiance et plus disposés à le bien recevoir. Personne ne devait être mis dans le secret, pas même le pape, qui ne serait informé qu’un peu plus tard. On conserve à Simancas les minutes de trois lettres très pressantes qu’Antonio Perez écrivit à Escovedo sur ce même sujet du voyage dans les Flandres. Le roi, dans une note, rappelait que l’empereur Charles-Quint étant à Innsbruck et apprenant que les Français marchaient sur les Pays-Bas, vieux et malade comme il était, se déguisa et partit en secret avec deux domestiques.

On ne comprend guère comment don Juan, devant des ordres aussi pressans, s’attarda vingt-quatre jours avant de répondre au roi. Il ne lui écrivit que le 27 mai, se déclarant prêt à obéir, mais faisant sentir qu’en acceptant le gouvernement des Pays-Bas, il rendait un service plutôt qu’il ne recevait une faveur. Il montra l’état alarmant des provinces, les progrès de l’hérésie, les menaces de l’Angleterre et de la France, la haine contre les Espagnols grandissant chaque jour. Il demandait au roi, en lui envoyant Escovedo, de ne le point laisser sans argent et de lui accorder une certaine indépendance et une initiative que les temps rendaient nécessaires. Le programme qu’il soumettait au roi était le suivant : abolition de toutes les ordonnances contraires aux lois et coutumes des provinces, emploi de tous les moyens propres à ramener ceux qui se repentaient de leurs fautes, nominations aux emplois faites