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l’opération ne pouvait pas ne pas être douloureuse. Je n’ai pas eu le courage d’assister au moment le plus douloureux. Je suis arrivé à la fin du pansement, et son courage simple et calme aurait pu, si je n’avais rien su d’ailleurs, me faire croire qu’il était tout uniment à sa toilette. On l’a saigné par précaution, et il est aussi bien que son état peut le comporter.

« Mais si son physique est en mauvais état, son moral est, grâce à votre lettre, dans un état bien différent, et son seul regret est de ne pas vous exprimer lui-même son bonheur.

« — Peignez bien, mon cher oncle, m’a-t-il dit, peignez bien à mon aimable cousine tous les sentimens dont j’ose à peine l’entretenir. Elle veut bien désirer de contribuer à ma félicité ; elle ne sait pas combien elle y réussit par ce seul désir. C’est à moi de désirer de contribuer à la sienne, et tous mes jours, tous mes instans y seront consacrés sans réserve. Je sens bien vivement, j’ose même interpréter en ma faveur ce qu’elle me dit de votre amitié pour moi. Les cruels exemples qu’elle a eus sous les yeux ont sans doute contribué à redoubler son courage ; mais si le mien faiblissait jamais, ce serait auprès d’elle que j’irais chercher un modèle, et le désir d’être toujours digne d’elle suffirait pour me faire bannir toute pensée indigne de moi.

« Voilà, mot pour mot, ce que j’ai entendu de sa bouche, il n’y a pas une heure, mais je voudrais pouvoir vous peindre l’expression avec laquelle ces paroles m’ont été dites : elles vous feraient la même impression. »

Quelle que fût très probablement la part de l’éloquence coutumière du Roi dans la tirade passionnée de son neveu, elle était bien faite pour dissiper les griefs de Madame Royale et apaiser son ressentiment. Sa réponse démontre qu’elle en avait fait aussitôt litière. Elle remerciait son oncle de lui avoir écrit « tout de suite » et son cousin d’avoir « au milieu de ses douleurs » pensé à elle. « Mais, j’oserai vous prier, mon cher oncle, de lui défendre de m’écrire jusqu’à ce qu’il soit complètement rétabli, la tranquillité lui étant complètement nécessaire. Je suis charmée du courage et de la tendresse qu’il vous a marqués, faisant encore une lieue après cet accident pour aller vous trouver ; je compatis bien aux douleurs qu’il doit ressentir et espère qu’il sera bientôt guéri. »

Il semble bien, à lire ces propos, qu’ils eussent dissipé le nuage. Mais un peu de négligence du côté de Blanckenberg à transmettre