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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/225

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Sa main, en protégeant la lueur faible et rose,
Se colore un moment d’un feu vermeil et pur,
Et comme un papillon sur une sombre rose
Ses doigts illuminés cachent son sein obscur.

Elle presse à présent sa marche curieuse.
On ne voit plus briller la tremblante clarté,
Qu’elle porte, et sa grâce errante et ténébreuse
Disparaît dans la nuit du palais enchanté…

Elle revient sans bruit quand naît l’aube rosée,
Et son petit visage est pâle et plein d’effroi ;
Son voile tremble et luit dans l’aurore irisée
Et le dallage lisse à ses pieds nus est froid.

C’est qu’elle a vu dormir parmi les peaux de bêtes
Cruel, mystérieux et terrible, l’Amour
Qui, dans son poing crispé, tenait ses flèches prêtes,
Et semblait tout sanglant sous la lampe et le jour !

Elle a vu le sourire inhumain de sa bouche,
Et sa fureur divine et son haineux désir,
Et soudain a senti, debout près de sa couche,
Une invincible horreur brusquement la saisir.

Elle fuit en pleurant son étrange démence.
Son voile jaune s’enfle au vent du matin bleu,
Et ses yeux sont remplis de la terreur immense
D’avoir vu cet amour… qu’elle croyait un Dieu !