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II. Tandis que, dans l’horreur de mon long ennui, mon âme se replie sur elle-même, et tente de fuir ces yeux méchans et cruels, objet de sa flamme amoureuse ;

Tout à coup, se rappelant les yeux doux et beaux de mon idole, mon âme peureuse refrène son désir, et n’ose plus se dérober à ces chers tyrans !

Puis, repensant aux circonstances premières qui, sur le Reno (à Bologne) et sur le Tibre, lui ont enlevé tout espoir, repensant à cette foi parjure et traîtresse,

De nouveau elle veut se repentir, mais ne va pas plus loin : car il lui suffit, pour arrêter de nouveau son altière volonté, du souvenir de ce cher visage amoureux et tendre.


Cependant M. Ricci, tout en rendant hommage à la beauté poétique de ces sonnets, s’en amuse comme d’un mensonge de Donna Christine. Pas un moment il n’admet l’idée que l’aventurière bolonaise ait pu être sincère, qu’un véritable amour ait traversé sa vie. « Rhétorique ! » nous dit-il ; et il se demande si les quatre sonnets ne se rapporteraient pas à des personnes différentes. Entre Christine elle-même, qui se plaint d’être délaissée de l’homme qu’elle adore, et quelques obscurs chroniqueurs, un Ghiselli, un Tioli, un fat ridicule et malfaisant comme Michel Bombaci, qui se plaisent à ne voir en elle qu’une courtisane et une entremetteuse il n’hésite pas : c’est à ces chroniqueurs que va toute sa confiance. J’avoue que je ne saurais, pour ma part, le suivre jusque-là : il y a dans les vers de Christine une délicatesse de sentiment, une distinction de pensée, une pureté de goût, qui ne me permettent point de m’en tenir sur elle au vilain portrait que nous en ont laissé les grossiers narrateurs de ses aventures. Et je dirai plus : il ne me semble pas que ces aventures mêmes aient été exactement comprises de ceux qui nous les rapportent, aveuglés qu’ils étaient par leur malveillance, ou, peut-être, par leur habitude professionnelle de prêter aux actions les plus innocentes les plus bas motifs. L’aventure fameuse du mariage de Diane, notamment, je ne parviens pas à m’en effaroucher. A coup sûr, Christine a désiré le mariage de sa fille, et n’a rien épargné pour le faire aboutir : mais sa fille, évidemment, le désirait aussi, et aussi le jeune prince qu’elle aimait et qui l’aimait. Ce qu’a fait Christine, en cette circonstance, la mère la plus scrupuleuse l’aurait fait à sa place. Et je dois ajouter que le mariage ainsi conclu paraît avoir été parfaitement heureux, sans que les chroniqueurs aient pu découvrir jamais le moindre grief contre Diane Colonna. Restent les aventures précédentes de Christine, la faute commise avant son mariage, les cadeaux reçus des cavaliers milanais, avec le consentement du mari, les libres « conversations » du palais