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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/569

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M. Swong dans les bras, — quel dommage que tu ne sois pas venu tout droit chez nous ce mutin !… Ma grand’mère t’aurait indiqué… Tu serais allé vite à la pagode du Cheval de Jade, où il y avait une grande fête et des danses religieuses ; nous y étions presque toutes, les meilleures danseuses de Nagasaki, et moi, je me tenais en haut, comme sur un nuage ; je faisais le rôle d’une déesse, et je lançais des flèches d’or. »

« Mais, — ajoute-t-elle, — demain après-midi, tu m’entends bien, c’est la fête des geishas et des maïkos ; ça ne se fait qu’une fois l’an ; nous sortirons toutes en beau costume, par groupes, sous des dais magnifiques, et nous représenterons des scènes de l’histoire, sur des estrades que l’on nous aura préparées dans les rues. Ne va pas manquer ça, au moins ! »


En approchant de chez Mme Renoncule, je faisais de louables efforts pour être ému. C’est que, vraisemblablement, j’allais y rencontrer les époux Pinson, ma belle-mère m’ayant annoncé autrefois qu’ils viendraient avec l’automne s’installer auprès d’elle.

Frais superflus, inutile dérangement de cœur : à la suite d’un pèlerinage efficace à certain temple, très recommandé pour les cas rebelles comme le sien, Mme Chrysanthème, après quatorze ans de mariage stérile, s’était tout à coup sentie dans une position intéressante très avancée, qui n’avait pas permis de songer à un plus long voyage. — Et ce n’est pas sans une teinte d’orgueil maternel que Mme Renoncule me fait part de telles espérances.

Allons, le sort en est jeté, nous ne nous reverrons point. Après tout, c’est plus correct ainsi. Et puis, il faut savoir se mettre à la place de son prochain : M. Pinson n’aurait-il pas éprouvé quelque gêne à m’être présenté ?


Mon Dieu, qu’est-ce qu’il se passe donc chez Mme Prune ? Ce n’est pas le même incident que chez Mme Chrysanthème, les suites d’un pèlerinage trop efficace ?… Non, vraiment je me refuse à le croire… Cependant, je vois sortir de chez elle un médecin ; puis deux commères affairées qui ont des visages de circonstance. Et je presse le pas, très perplexe.

L’aimable femme est étendue sur un matelas léger ; les formes, dissimulées par un fton, — qui est une couverture avec deux trous garnis de manches pour passer les bras. — La tête,