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après, dans ses écrits, il rappelait avec gratitude ce livre « incomparable, vraiment classique, d’une impérissable valeur. » Il y avait coïncidence, d’ailleurs, entre les tendances de Moehler et les aspirations de l’époque, et la coïncidence fut salutaire. Un certain séparatisme mystique trouvait alors crédit parmi les âmes pieuses : l’évêque Sailer, le jeune médecin Ringseis, n’avaient-ils pas été quelque peu gagnés et troublés par le prêtre Boos et autres illuminés wurtembergeois ? Moehler élevait la voix, et parlait, lui aussi, de l’Esprit ; il en faisait toucher l’immanence dans l’Église, et dans elle seule ; et c’est en vertu de considérations mystiques, au nom même des désirs des mystiques, qu’il laissait voir qu’il n’est pas bon que l’âme s’isole orgueilleusement avec l’Esprit, et qu’elle ne doit faire qu’un avec le corps social de l’Église.


IV

Au temps où Moehler demandait à une autre Eglise les moyens de servir la sienne, il avait observé que, dans certaines universités protestantes, l’étude des divergences dogmatiques qui séparent les confessions chrétiennes faisait l’objet d’un cours ; il regrettait qu’il n’en fût pas de même dans l’enseignement supérieur catholique. Il lui semblait qu’un protestant qui s’échauffe pour sa doctrine fait un pas vers le catholicisme, par cela même qu’il cesse d’être indifférent, et qu’un catholique qui s’exalte pour la sienne fait en quelque façon une courtoisie au protestantisme, par cela même qu’il cesse d’être passivement somnolent. Les débats théologiques inspiraient à Moehler plus de confiance que d’effroi : il y voyait l’indice que l’idée religieuse est vivante. En 1828, rendant compte d’un livre anglican sur les controverses, il souhaitait qu’un jour les catholiques allemands possédassent une Symbolique. Quatre ans plus tard, il la leur donnait.

« Pourquoi l’Église catholique conçoit la justification comme elle la conçoit, et ne peut pas la concevoir autrement, et pourquoi, inversement, l’Eglise protestante doit concevoir la justification comme elle la conçoit, c’est là ce que personne ne pénètre, faute de comprendre l’enchaînement organique de toutes les doctrines. » Tout le plan de la Symbolique se ramasse d’avance en cette phrase, qui est de 1826. La justification est le point