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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/109

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Mme DE LA SUZE

Du reste, dans les nombreuses et diverses éditions des Recueils de poésies, publiées sous son nom et sous celui de Pellisson qui fut son ami combien de pièces lui appartenaient en propre ? Il a fallu l’érudition et la patience de M. Émile Magne pour nous fixer sur ce point. Aussi bien, renvoyons-nous à son ouvrage les lecteurs curieux d’aller au fond de cette question.

Un détail qui vaut la peine d’être rapporté nous est donné par un contemporain sur la manière dont Mme de la Suze écrivait : on la trouvait quelquefois parée de grand matin et elle répondait à ceux qui s’en étonnaient : C’est que j’ai à écrire. Mme de la Suze avait, en effet, bien avant Buffon, pour habitude de s’habiller avec soin avant de prendre la plume.

Elle mourut au mois de mars 1673 et fut inhumée dans l’église Saint-Paul.

Portant un jugement sur l’œuvre et l’influence de Mme de la Suze M. Émile Magne conclut ainsi : « Elle écrit pour se distraire, parce que la mode ou parce que l’amour lui commande d’écrire. Mais, dans la société qui l’environne, elle exerce une influence bienfaisante. Sa ruelle perpétue l’atmosphère de Rambouillet. Les contemporains la comprennent parmi celles où se rénovent le sentiment de l’élégance et le raffinement du langage. Elle est un centre d’émulation poétique. Les plus délicats esprits s’y conjoignent. Molière l’excepte des vindictes de la raison et de la clarté. Elle se différencie totalement des alcôves où vivent en communauté des péronnelles façonnières. Il en demeure, à travers le temps, un rayon de grâce et de politesse… »

CONSULTER : Émile Magne : Madame de la Suze et la société précieuse, 1 vol. in-18, Paris, 1908.

On trouvera dans ce remarquable travail tous les renseignements désirables sur Mme de la Suze, son milieu, son œuvre. Ce livre nous dispense d’indiquer d’autres références.

LÉGIE

Belle et sage Daphné, merveille de nos jours,
Que toutes les vertus accompagnent toujours,
Et qui connais si bien leurs grâces naturelles,
Que tu n’as jamais pris leur fantôme pour elles ;
Illustre et chère amie, à qui dans mes malheurs
J’ai toujours découvert mes secrètes douleurs,
Qui sais ce que l’on doit ou désirer ou craindre.
Et qui ne blâmes pas ce qu’on ne doit que plaindre.
Écoute mes ennuis, soulages-en le faix,
J’ai bien plus à te dire aujourd’hui que jamais,
Et tes prudents conseils, tant de fois salutaires,
Ne me sauraient jamais être plus nécessaires.
Défends ma liberté, ma Daphné, je combats
Un dieu dont j’ai souvent méprisé les appas,
Qui, lassé de me voir insensible à ses charmes,