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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/112

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Ces subtils enchanteurs savaient bien me surprendre ;
Et c’est ainsi qu’Amour, renversant mes projets,
Va réduire mon cœur au rang de ses sujets.
Dans un si triste état, de mon sort, incertaine,
Ah ! que j’ai dit de fois, en levant à ma peine :
Désirable repos, aimable liberté
Unique fondement de la félicité,
Sans qui l’on ne vit pas, pour qui chacun soupire,
Faut-il donc qu’un tyran usurpe votre empire ?
Qu’il me fasse oublier vos charmes les plus doux ?
Et que ses seuls tourments me plaisent plus que vous ?
Faut-il que je m’expose à ces Esprits sévères,
Qui ne connaissent pas les amoureux mystères ?
Qui répandent sur tout leur venin dangereux
Et ne sauraient souffrir ce qu’on n’a pas pour eux ?
Et qui pis est, disais-je, hélas ! Si je m’engage,
Peut-être un jour Tircis infidèle et volage.
Fera dedans mon cœur naître autant de soupirs
Que j’aurai pris de soins à flatter ses désirs.
On sait de cent beautés les tristes aventures.
Et l’empire amoureux est rempli de parjures ;
C’est ce que j’opposais à ses plus doux poisons.
Mais l’amour est plus fort que toutes les raisons.
Le destin veut que j’aime, il faut le satisfaire,
Il n’y résiste plus, hé î qu’y pourrais-je faire ?
Ces maîtres des mortels, les Dieux, lui cèdent bien.
Tes conseils seraient vains, Daphné, ne me dis rien ;
Laisse-moi soupirer, ma peine est sans remède,
Mon cœur est trop charme du feu qui me possède.
Une douce langueur occupe mes esprits.
Et, perdant tout espoir, je sens que je t’écris.
Non pour chercher la fin de ma douleur extrême.
Mais plutôt, ma Daphné, pour t’ apprendre que j’aime.
Si tu blâmes un mal où je vois tant d’appas,
Plains une malheureuse, et ne l’accuse pas.


MADRIGAL.

Non, non, quoiqu’il ait quelques charmes.
Ce n'est point pour Lisis que je verse des larmes ;
L’auteur de mes ennuis n’est pas mal avec vous ;
Sans le nommer, je peut vous dire
Que vous avez grand tort de paraître jaloux
De celui pour qui je soupire.