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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/60

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qu’on a été jusqu’à lui attribuer une liaison véritable avec Clément Marot. Il est beaucoup plus probable qu’il n’y eût entre eux qu une intrigue toute platonique, cette fameuse « alliance de pensée ! »

On a prétendu, également que quelques-uns des poètes nommés plus haut collaborèrent peu ou prou aux ouvrages de Marguerite. Il est assez d’usage d’avancer de telles choses à l’égard des productions féminines mais, en vérité, rien ne prouve que Marguerite se soit jamais fait aider. Il est même peu légitime de ne voir en elle qu’un disciple de Clément Marot. Elle a une originalité qu’il importe de dégager.

Tout d’abord, ses œuvres, très diverses d’apparence, se trouvent avoir une certaine unité par la préoccupation constante qu’elle a, dans la plupart d’entre elles, d’en tirer une saine moralité. L’Heptaméron. lui-même , n’échappe pas à cette règle.

Ses poésies sont pleines de délicatesse et l’on peut goûter une imagination vive, ainsi que l’étendue de son esprit à chaque page des Marguerites de la Marguerite des princesses.

Il n’a manqué à Marguerite de Navarre pour laisser des œuvres d’une souveraine beauté dans leur ensemble, que de venir un peu plus tard. Du reste, beaucoup de ses poésies sont encore inédites. Leroux de Lincy déclare même que les vers que nous ignorons sont « le plus beau fleuron de la couronne poétique de notre princesse ».

M. Petit de Julleville, qui n’est pas tendre cependant pour les poésies de Marguerite, auxquelles il reproche des lourdeurs, des archaïsmes et une forme défectueuse, leur trouve néanmoins un « parfum subtil et mystérieux ». Pour bien juger la poésie de la Reine de Navarre, il faut se rappeler qu’elle composait dans sa litière, en voyageant par pays, c’est-à-dire à bâtons rompus. Elle dictait des vers ou faisait de la tapisserie et, pour elle, il est probable que c’étaient là deux ouvrages analogues.

Sainte-Beuve, qui lui a consacré d’intéressantes pages dans, ses lundis a porté sur elle ce jugement, à mon sens trop sévère : « Comme poète et comme écrivain, son originalité est peu de chose, ou, pour parler plus nettement, elle n’en a aucune, son intelligence, au contraire, est grandes active, avide, généreuse. »

Pour être dans la vérité, il suffit de lire l'Heptaméron et quelques poésie, et l’on verra aussitôt que les nouvelles de la reine de Navarre sont attachantes, que ses vers contiennent d’heureuses et fortes expressions et çà et là, de véritables accents de sincérité.

En dehors de l'Heptaméron et divers ouvrages poétiques, Marguerite de Navarre a composé des comédies pieuses sur la vie et la mort de Jésus-Christ, des farces dont deux viennent d’être publiées pour la première fois par M. Louis Lacour : La Fille abhorrant Mariage et la Vierge Repentie

Le 21 décembre 1549, la reine ’le Navarre mourut au château d’Odos-en-Bigorre.

Elle fut inhumée à Pau et parmi les épitaphes que lui consacra la piété de tous ceux qu’elle avait aidés et protégés, nous citerons celle-ci :

Musarum decimn et Charitum quarto, incluta regum soror et conjut Margarita ilhi jacet.

On se demandera comment était, physiquement, cette dixième Muse et cette quatrième Grâce. Il existe d’elle un portrait au cabinet des Estampes et l’on peut voir qu’elle ressemblait à son frère, avec un nez long, légèrement