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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/70

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LES MUSES FRANÇAISES

SONNETS

I

On voit mourir toute chose animée
Lors que du corps l’âme subtile part ;
Je suis le corps, toi la meilleure part :
Où es-tu donc, ô âme bien aimée ?

Ne me laisse pas si longtemps pâmée.
Pour me sauver après viendrais trop tard.
Las ! ne mets point ton corps en ce hasard.
Rends-lui sa part et moitié estimée.

Mais fais, ami, que ne soit dangereuse
Cette rencontre et revue amoureuse,
L’accompagnant, non de sévérité.

Non de rigueur : mais de grâce amiable,
Qui doucement me rende la beauté.
Jadis cruelle, à présent favorable.


II

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie.
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie.
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure.
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur.
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis quand je crois ma joie être certaine ;
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.