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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/206

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200 LES MUSES FEANÇAISES

QUAND ?

Ainsi ce jour existe en l'avenir voilé, Rien ne l'indique encor, mais il viendra si vite ! Aucun geste ne peut faire que je l'évite, Et par lui mon destin sera soudain scellé. D'une pensée intense, attentive, épuisante, Je suppose ce jour, la tête dans mes mains, Ce jour après lequel il n'est plus de demain; Mais j'ai beau l'évoquer, rien ne le représente. Quel sera-t-il? fera-t-il beau? fera-t-il froid? Seront-ce des jasmins, des iris ou des roses. Ou bien des fleurs d'hiver, rigides et moroses, Dont mes amis viendront parer mon lit étroit t Aurai- je près de moi celui que 1 on escorte A réfréner le mal de son déchirement?

— Nul ne peut m'enseigner le suprême moment, Et seulement je sais qu'un jour je serai morte. Ainsi j'ai ce front clair qui veut et réfléchiT), Cette tempe qui bat, ce sang vif dans mes veines Et ce cœur débordant comme des coupes pleines, Esclave et magnifique et que rien n'affranchit. Le rêve de l'amour m'a faite étrange et pâle Et résistante avec la douceur des roseaux. Mes frémissantes mains sont un couple d'oiseaux Et quelquefois ma voix s'émeut dans un grand râle. J'ai chanté mon plaisir et celui de mes sœurs. J'ai saigné ma douleur et j'ai pleuré leur peine. J'ai mis sur des cheveux le myrte et la verveine, J'ai tenu des enfants dans mes deux bras berceurs ; Répandant mon immense et fastueux délire, Avec (le grands regards choisis par le soleil. J'ai pu me croire digne, en un divin éveil. D'élever mes deux bras et de porter la lyre; J'ai refleuri d'espoir les cœurs humiliés. Je sais en tous les yeux faire affleurer une âme.