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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/214

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PARODIE


Souvent de pauvres gens viennent à la maison,
Humbles solliciteurs, et toujours ma Suzon
Ecoute avec respect leur lugubre oraison.

Elle s'en inquiète et paraît toute triste;
Et, lorsqu'ils sont partis, comme une moraliste,
Elle imite leur jeu navrant et réaliste.

« Monsieur le Député, soyez compatissant,
Veuillez prendre en pitié mon sort intéressant;
Il faudrait agir vite et le cas est pressant.

Je n'ai plus de mari, voilà ma grande fille,
J'ai beaucoup de soucis, une lourde famille.
Et j'implore de vous un mot, une apostille.

Vous pouvez, s'il vous plaît, me tirer d'embarras ;
A mon âge, six ans, j'ai déjà sur les bras
Ces deux bébés jumeaux qui sont rouges et gras,

Puis, cette enfant boiteuse et de santé mauvaise. »
Et murmurant tout bas : « Chut ! il faut qu'on se taise. »
Elle assied sa poupée infirme sur la chaise.

« Je ne suis pas de ceux qui vont tendre la main.
Je suis seule aujourd'hui; si je mourais demain,
Qui donc à mes petits voudrait donner du pain? »

Et les montrant tous trois, et d'une voix plaignarde :
« Vous voyez, avec eux, j'habite une mansarde;
Ce qu'ils ont sur leur dos est leur dernière harde.

Je sais qu'au Parlement votre influence est grande,
Vous pourriez m'obtenir, pourvu qu'on vous entende !
Une place, un emploi, j'en ferai la demande.

Surtout, pas de secours et pas de charité;
Tout ce que je requiers est juste et mérité.
Y souscrire, c'est faire un acte d'équité.

Ainsi, mon Député, faites donc que j'obtienne... »
Mais papa l'interrompt, fatigué de l'antienne.
Et dit : « Embrassez-moi, chère comédienne ! »

(Rimes Roses.)