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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/67

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MARIE DAUGUET

c’est ce qu’il appelle des images « odorales ». Il est vrai qu’à ce point de vue Mme Marie Dauguet montre une extraordinaire sensibilité, elle sait analyser les odeurs les moins définies comme les plus réelles, les plus douces comme les plus fortes, les plus simples comme les plus compliquées. Et tous ces parfums des bois et des jardins, des moissons et des étables, de la mare et de la ferme, elle les aime, elle les distingue dans l’air et elle les note ou nous les suggère par des mots heureusement accouplés. Elle a alors des vers comme ceux-ci :

 
Une odeur de bétail velouté l’air du soir.


Un beau soir d’été, nous en avons l’impression. Et encore :

 
L’accord des buis amers et des œillets musqués.


Nous peint-elle la forêt :


Le mélancolique
Encens qu’exhalaient vers les cœurs endoloris
Les fossés vaseux et les champignons pourris.
Les hêtres s’effeuillaient. Toute une âme sauvage
Respirait ; et des mousses et des saxifrages
Et des taillis, tout dégouttants d’humidité.
Montait aux lèvres une odeur de nudité.


Mme Marie Dauguet est par excellence le poète, le chantre des parfums de la nature, elle leur a découvert une valeur de signification qu’ils n’avaient certainement pas avant l’impression de certains de ses plus personnels et plus beaux poèmes.

Assurément, de toutes les poétesses contemporaines, elle est celle qui a le mieux, le plus vraiment chanté la nature. Car c’est la nature, l’âme et l’aspect de la nature et non pas elle-même qu’elle traduit.

Une poétesse qui a chanté la nature aussi — et même divinement — c’est Mme de Noailles. Mais il manque à Mme de Noailles cette santé physique qui ne fait certes point défaut à l’auteur des Pastorales et qui éclate dans ses sains et robustes vers ! Il manque à Mme de Noailles d’avoir vécu toujours au milieu des champs tout contre le cœur de la terre, en vraie paysanne. La comtesse de Noailles n’aperçoit la nature qu’à travers elle-même, à travers sa personnalité intensément artiste et raffinée ; elle crée en quelque sorte une nature à son image… Chez Mme Marie Dauguet, il se produit un travail tout contraire, elle ne se fond pas dans la nature, elle la reflète : elle ne la cherche pas en elle, elle se cherche dans la nature. Ainsi faisant sa vision des choses est plus forte, plus réelle, plus réaliste aussi, plus nature surtout.

BIBLIOGRAPHIE. — La Naissance du poète, 1897. — A Travers le Voile, Vanier, Paris, 1902, in-18. — Les paroles du Vent, 1904. — Par l’Amour (couronné par l’Académie française), Société du « Mercure de France », Paris, 1906, in-18. — Clartés, Sansot, Paris, 1907, in-18. — Les Pastorales, Sansot, Paris, 1908. in-18.