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un monde inconnu

multipliaient. Partout on les voyait, avec leurs casques de liège et leurs vêtements blancs, hâter les convois, presser le déchargement des matériaux. Bientôt on put commencer a construire les hangars et les habitations de bois démontables destinées au personnel de l’entreprise. Il n’y avait, en effet, qu’à rajuster toutes les parties préparées à l’avance et soigneusement numérotées.

Le travail avança rapidement et, dès le 8 février, on put s’occuper de préparer le sol où devait être établi le réseau électrique.

Sur une étendue d’environ deux hectares de terrain soigneusement nivelé, on disposa tout d’abord une charpente massive formée de poutres distantes l’une de l’autre d’un mètre et se coupant à angle droit. Cette charpente constituait un rectangle de 125 mètres de longueur sur 80 de largeur, divisé en 10.000 carrés d’un mètre de côté. À chacune des intersections des poutres on fixa solidement par la base une puissante lampe électrique à arc, munie d’un réflecteur parabolique argenté de 50 centimètres de rayon. Chacun de ces réflecteurs était relié aux réflecteurs voisins au moyen de griffes et de vis de pression qui assuraient à l’ensemble une cohésion parfaite.

Pendant un mois, les vingt ouvriers électriciens, stimulés par l’ingénieur Dumesnil, que dévorait une fiévreuse impatience, travaillérent sans relâche, et, au grand étonnement des indigènes que la curiosité attirait sans cesse sur ce chantier d’un nouveau genre, les 10.000 foyers s’étendirent sur le sol.

Déjà lorsque le soleil, si ardent dans ce climat brilant, dardait ses rayons sur ces surfaces polies, il les faisait briller d’un insoutenable éclat. Plus d’une fois, on avait dû écarter les importuns dont l’insistance menaçait de troubler les travaux, et Mathieu-Rollère avait fini par faire entourer le chantier et ses dépendances d’une solide palissade dont quelques sentinelles surveillaient les abords.

Sur le réseau ainsi disposé on pouvait facilement dessiner en traits lumineux toutes les lettres de l’alphabet. Un système de fils électriques, soigneusement isolés, reliait chaque foyer d’un côté aux puissantes dynamos qui produisaient les courants, et de l’autre à 25 commutateurs disposés en forme de clavier et dont chacun portait une lettre de l’alphabet.