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Page:Sand – Le Lis du Japon, 1866.pdf/20

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même temps qu’un supplice. La tranquillité de ce petit réduit m’a charmé. J’y ai trouvé des idées plus calmes… et aussi plus vives… un idéal plus élevé, des rêveries, des aspirations sans fin… tout un monde de désirs sans espoir… Ah ! vos fleurs sont moins méfiantes et moins cruelles que vous ! Elles ne se croyaient pas souillées par le regard d’un pauvre amant de la nature, et Dieu, qui a fait tout ce qui est beau et bon, ne me faisait pas un crime de l’adorer dans ses divins ouvrages !

LA MARQUISE.

Un esprit aussi élevé que le vôtre trouvera partout de pures jouissances et des modèles divins. N’en êtes-vous pas entouré ? Voici chez vous des plantes plus rares que les miennes, et vous ne devez pas les oublier pour celles du dehors. Vivez pour le bel art que votre père vous a enseigné, et où sa renommée vous soutiendra. Et, puisque vous aimez à symboliser, songez que les lis… en voici un admirable de blancheur !… ne doivent leur éclat qu’à leur pureté, et trouvez naturel qu’ils aiment l’ombre… et la solitude. Adieu.

JULIEN.

Adieu, madame !… mais, ce lis que vous avez regardé… votre image… accordez-moi une seule consolation, une seule grâce ! (Il le cueille.)

LA MARQUISE.

Ah ! que faites-vous ?

JULIEN.

Emportez-le.

LA MARQUISE.

Mais… Non, monsieur, je ne l’accepte pas !

JULIEN.

Ah ! malheureux que je suis ! vous me refusez cela !… Oui, c’est juste, j’oubliais… Pauvre et sans nom, je n’ai même pas le droit de vous offrir une fleur !

LA MARQUISE.

Ce n’est pas cela, monsieur ; mais je ne reçois de fleurs de personne, et je craindrais le parfum de celle-ci.